Si vous connaissez le spectaculaire parc parisien des Buttes Chaumont, vous avez évidemment vu et revu, à chaque détour d’une allée, les fameuses constructions en béton armé imitant plus ou moins bien le bois. C’est ce qu’on appelle dans le jargon paysager les rusticages (terme qui désigne une technique de fabrication et par extension les éléments fabriqués eux-mêmes). Cet art, très en vogue à la fin du XIXème siècle, revient à la mode aujourd’hui. Décryptage…

Définitions du dictionnaire Larousse:

Rusticage = nom masculin; action de rustiquer (= traiter un mur dans le genre rustique); traitement rustique d’un ouvrage de maçonnerie. Reportons-nous donc au mot clé « rustique » en passant sur les définitions agricoles, utilitaires, littéraires ou sociales pour nous arrêter sur celle qui nous intéresse ici concernant le bâtiment : Rustique = adjectif (latin rusticus, de rus, ruris, campagne); se dit d’une maçonnerie dont le parement est fait soit de pierres d’aspect brut, soit d’un mortier incrusté de cailloux, de coquillages, à la manière du rocaillage; se dit d’ouvrages (bancs, kiosques) dont l’ossature est constituée de troncs et de branches laissés bruts, ou de leur imitation en ciment. Et terminons par le rocaillage (nom masculin), synonyme de rocaille (nom féminin; définition dans le langage du bâtiment… la rocaille en conception de jardin ou en style ornemental, c’est encore autre chose!) = ouvrage, revêtement qui imite les rochers, les pierres, les concrétions naturelles.

Bref, ce dont je veux vous parler aujourd’hui est en général appelé « rusticage » par les spécialistes des jardins et plus volontiers « rocaille » par les maçons: il s’agit d’éléments maçonnés en ciment armé de fer, imitant le bois (branches et troncs) et servant à fabriquer toutes sortes d’ornements de jardin: escaliers, ponts, rambardes, balustrades, bordures…

En anglais, on dit simplement « faux bois » !

Un très bel exemple de kiosque & balustre en rusticage à Tours (photo extraite du site Du ciment au naturel où vous pourrez voir de nombreuses photos de rusticages dans Paris et dans toute la France; merci à son auteur pour son autorisation de publication) 

L’histoire des rusticages:

Voulu par Napoléon III comme une vitrine du savoir-faire français en matière d’espaces verts et ouvert à l’occasion de l’exposition universelle de 1867, le parc des Buttes Chaumont a été réalisé sur le site d’une ancienne carrière de calcaire. C’est cette particularité, conjuguée à la mode  du « retour à la nature » (initiée dès le début du XIXème siècle; voir l’article sur l’exposition « Parties de campagne » à Jouy), qui a permis d’élaborer dans cet espace de 23 hectares un paysage théâtral fait de falaises au dénivelé impressionnant et de belvédères. Ce décor a été complété par tout un ensemble d’éléments fabriqués en béton armé (utilisant le calcaire présent sur le site): les ponts, balustrades, escaliers, garde-corps, rampes (et même cascade et caniveau en forme de torrent) sont omniprésents aux Buttes Chaumont. C’est dans ce parc que fut utilisé pour la première fois à grande échelle la technique du rusticage. L’ornementation de jardin par la construction de kiosques, rambardes ou mobilier en béton armé s’étendit ensuite à la plupart des parcs publics (à Paris notamment dans les parcs Monsouris et Monceau) et aux jardins privés des maisons bourgeoises. Elle connut son apogée à la fin du XIXème et au début du XXème siècle dans toute la France. Concomitante avec la mode des « bains de mer » et le développement des stations balnéaires, on la retrouve souvent dans les extérieurs des villas balnéaires. Le rusticage annonce dans les jardins la naissance de l’Art nouveau aux décors de formes courbes et fleuries.

La cascade des Buttes Chaumont

La technique de fabrication:

Les éléments de décor des parcs, jardins & terrasses sont constitués d’une armature de fer (fer à béton et grillage) recouverte d’une couche de béton et/ou de ciment. Pour faire court, le ciment est composé de poudre de calcaire et d’eau, le béton est un mélange plus grossier mais moins cassant de gravier, de sable & de ciment (les passionnés des détails techniques peuvent consulter le site Dotapea.com où ils trouveront tout sur le ciment et quelques informations complémentaires sur le béton). Le revêtement est ensuite façonné à la main pour y dessiner les veines et les nœuds du bois. Chaque ouvrage est une œuvre d’art unique.

Aux Buttes Chaumont, la balustrade qui domine la voie de chemin de fer de l’ancienne petite ceinture est en bien piètre état. Elle permet néanmoins de comprendre à la fois la technique de fabrication des rusticages (armature de fer apparente) et l’aspect sociologique de la création du parc (rencontre paradoxale du romantisme et de la technologie).

Les éléments sont plus ou moins rustiques ou sophistiqués selon le degré de finesse du travail d’imitation. Les rusticages les plus fins du parc des Buttes Chaumont sont des réalisations d’origine.

Mais, paradoxalement, le rusticage ne cherche jamais à être parfaitement réaliste: aussi belle soit l’imitation, elle doit toujours laisser voir qu’elle n’est pas réalisée en vrai bois! C’est tout l’aspect sociologique de cet art : le promeneur doit se sentir en osmose avec la nature, mais en aucun cas oublier qu’il est civilisé! De même que le lampadaire au milieu du parc rappelle au citadin qu’il n’est pas perdu à la campagne, de même en s’appuyant à une balustrade bétonnée, il s’émerveille du paysage tout en se rassurant sur la capacité humaine à maîtriser le progrès technique. Paradoxe omniprésent dans l’art et la littérature de la période romantique…

Banc en ciment « faux bois »; création de J.P. WYCKHUYS, rocailleur dans l’Aisne,  pour les jardins de Viels-Maisons

Fred BROSSARD : salon de jardin rocaille ciment faux-bois. fauxbois.fredbrossard.fr

Bonnes adresses de maçons-rocailleurs, restaurateurs & créateurs d’éléments en ciment « faux bois »: 

Fred BROSSARD, sculpteur et rocailleur
77170 Brie-Comte-Robert
07 66 77 66 26
fauxbois.fredbrossard.fr

Nicolas GILLY, rocailleur
156 bd de la Libération – 13004 Marseille
06 83 79 39 54 – 04 91 42 91 68

 

J.P. WYCKHUYS a pris sa retraite.

Philippe BIDAULT (BÉTON EN BRANCHES) est malheureusement décédé en 2019.
www.decorocaille.onlc.fr

 

Chaises de Philippe Bidault

Stand de J.P. WYCKHUYS  aux Journées Antiquités & ornements de jardin de Viels-Maisons 2011