J’avais tenté il y a quelques semaines de vous donner quelques pistes pour tirer un bienfaisant bénéfice de ces semaines de confinement à la maison. Notre déconfinement s’organise progressivement (à grands coups d’informations contradictoires, parfois incompréhensibles, souvent absurdes). Je trouve la période beaucoup plus instable, donc anxiogène. Je n’en peux déjà plus d’entendre à tort et à travers qu’il y aura un « avant » et un « après », mais j’avoue qu’il faudra bien, comme le dit Philippe Torreton avec délicatesse, « tirer les leçons de cette mésaventure ». Le passage ne se fera pas aussi simplement ni aussi brusquement que le maniement d’un interrupteur. Mais, en architecture et en décoration, comme dans de nombreux domaines, des aménagements seront nécessaires à court terme et des évolutions seront indispensables voire inéluctables à plus longue échéance. Que sera notre maison de demain ? Avoir pour ambition de « transformer nos lieux de vie en lieux de rêve » (comme on peut le lire dans un article de Houzz « Après la pandémie, le besoin de réinventer la maison ? », fort intéressant par ailleurs) me paraît plutôt réducteur, voire gentiment naïf. Je vais aujourd’hui essayer de dresser un tableau des mutations auxquelles nous devons nous attendre : voici ce qui, à mon avis, va irrémédiablement advenir dans nos modes d’habitation. Ou plutôt les actions que nous devrons accompagner si nous ne voulons pas les subir :

  • Inventer un espace extérieur
  • Réagencer les pièces de vie
  • Construire et meubler pour durer
  • Assumer sa personnalité

Inventer un espace extérieur

Le manque crée la demande. Il n’a échapé à personne que les heureux occupants d’un logement avec jardin avaient eu moins de mal à surmonter sans trop d’encombres ce passage délicat (voire douloureux pour certains) de notre existence commune. Nous aurons tous vécu l’expérience du confinement, mais chacun à la mesure de l’espace vital dont il disposait et de ses possibilités de profiter de la nature bienfaisante. L’accès à un jardin, une terrasse ou même un petit balcon – ce que dans le langage immobilier on appelle « un extérieur » – aura été une variable importante à la fois pour notre état de santé et pour notre humeur. Même les citadins les plus convaincus ont été ébranlés dans leurs convictions ! Je ne veux pas ici entrer dans le détail des bénéfices apportés par la vie au grand air, mais vous voyez de quoi je parle :  la verdure nous fait du bien et le jardinage délasse !… Sutout quand un beau soleil printanier nous nargue. Bref, cet épisode aura montré que, faute de pouvoir sortir de notre enclos familial, l’accès à un petit coin de verdure privatif sera sans conteste et de plus en plus une denrée recherchée. Il est prévisible que les promoteurs auront à coeur d’intégrer cette aspiration dans leurs projets de construction, y compris dans les villes. Il est probable aussi que le changement des habitudes de consommation (bio, local, zéro déchet, circuit court) accentué par la peur du manque (« Nous sommes en guerre ») fera germer et pousser, de nombreux potagers urbains, familiaux ou communautaires. Cette tendance déjà bien lancée avant la crise ne peut que prendre son essor à la faveur des besoins mis à jour pendant ces 2 mois. Ceux qui n’ont pas la chance de disposer d’un espace extérieur pourront, grâce aux nombreuses astuces décoratives qui fleurissent et que je ne manquerai pas de développer sur ce blog, apporter de la verdure à l’intérieur et s’inventer des jardins imaginaires

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Transformer en jardin miniature le tout petit espace entre fenêtre et garde-corps !
Visuels à retrouver sur le tableau Pinterest « Balcons & terrasses »

Réagencer les pièces de vie

À rester enfermés pendant 8 semaines, nous avons eu tout loisir de constater combien il est difficile de concilier dans un espace restreint des fonctions qui ne sont pas initialement dévolues à un logement familial : transformer le séjour à la fois en salle de jeu pour les petits, en salle de classe pour les primaires, en espace détente pour les adolescents désoeuvrés et en salle de sport pour maintenir tout ce petit monde en forme est un exercice de haut vol ! Sans compter que les adultes aimeraient bien que leur progéniture leur laisse un « petit coin » bureau disponible pour le télétravail… et que le conjoint aimerait bien que la sphère professionnelle de l’autre m’empiète pas trop sur la sphère privée… Bref, concilier les besoins de l’ensemble de  la famille devient un véritable enjeu !

Ne l’a-t-il pas toujours été ? Je crois qu’il a jusqu’à présent été beaucoup occulté, mis de côté par les architectes d’intérieur qui se voyaient plus architectes de rapport ou décorateurs de finitions que professionnels de proximité, au service des occupants du logement. La période de confinement dont nous sortons à petits pas aura eu ce bénéfice de mettre en lumière l’urgence d’une architecture d’intérieur pertinente, en cohérence avec le fonctionnement particulier de chaque foyer. Cette prise de conscience passera probablement par une redistribution des pièces, en tous cas par une réflexion sur la pertinence des choix : faut-il continuer à réserver la plus grande chambre aux parents ? Le décloisonnement généralisé ne doit-il pas être tempéré par des solutions de recloisonnement partiel ? Comment concilier le besoin d’espaces d’intimité, de silence à l’écart de l’agitation familiale, et le besoin d’espaces d’échanges conviviaux, dans le cadre familial ou amical ? Comment organiser des espaces de travail à la maison pour accompagner la tendance (durable) au télétravail ? « Pour nous, architectes, c’est déjà notre challenge quotidien : s’assurer que chacun se sent bien individuellement dans sa maison et réussisse à cohabiter à plusieurs (pour la plupart d’entre nous) dans un espace commun. » écrit Jean-Christophe Peyrieux dans l’article sus-cité « Après la pandémie, le besoin de réinventer la maison ? ». Je souscris pleinement à ses propos.

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Comment donner du style à son bureau ? (A part ça) | Installer un bureau à la maison (Influences nature)  

Notons en outre que les mesures sanitaires imposées pour le déconfinement resteront probablement actives plusieurs années, voire sur le très long terme. Il n’est donc pas farfelu d’imaginer qu’il faudra peut-être organiser nos intérieurs en s’inspirant des règles drastiques en école ou en entreprise : instaurer des distances pour pouvoir recevoir ses amis en toute sécurité, équiper davantage les logements de portes, interrupteurs, robinets, volets, etc. automatiques (sans contact, à commande vocale ou connectés), utiliser des matériaux sains voire antibactériens (cuivre)…

Construire, meubler et décorer pour durer

Avons-nous appris à accepter la lenteur, à prendre du recul, à ouvrir les yeux sur le sens du confinement imposé ? L’impossibilité de consommer nous a souvent conduits à la débrouille, en tout cas à l’idée qu’on n’est pas obligé de surconsommer, qu’il est possible de vivre autrement, que la sobriété n’est pas toujours synonyme d’inconfort. Je ne suis pas spécialiste de la « slow déco » mais je suis heureuse d’accompagner, dans le domaine de la décoration, cette tendance à la consommation raisonnée, c’est à dire responsable, raisonnable et respectueuse de l’environnement. Non, on n’est pas obligé de se ruer sur les bibelots « made in China » pour changer sa déco tous les deux mois, même s’ils sont supeeer joliiis et teeellement pas chers ! Non, on n’est pas obligés non plus de changer son papier peint tous les deux ans, même si les fabricants sont hyper créatifs et qu’on craque vraiment pour les nouveaux panoramiques ! Il est temps de protéger notre planète par une déco et un ameublement adaptés, conçus pour durer. Concrètement, je crois qu’à court terme déjà, beaucoup de choses vont changer dans le monde de la décoration : les enseignes qui ont tout misé sur l’import à petits prix vont devoir se renouveler rapidement et celles qui ont construit leur identité sur la fabrication artisanale française vont sûrement s’épanouir.

Restés enfermés cela signifie aussi respirer souvent un air vicié. Celui de nos intérieurs est encore bien plus pollué que celui des rues des grandes villes ! Le moment est peut-être venu de respirer dans nos maisons un air moins toxique ! Les composants organiques volatils (COV) issus des revêtements de murs (peintures), des revêtements de sol (« parquets » contrecollés ou sols souples PVC) ou du mobilier (particules agglomérées à l’aide de colles toxiques pour la confection des meubles de grande distribution) sont source d’inconfort sanitaire aux conséquences ignorées. Notez qu’en matière de mobilier, il est conseillé d’utiliser plutôt des meubles de seconde main, ou au minimum de laisser reposer dans un lieu aéré les meubles en particules de bois compactées-collées, avant de les placer dans votre intérieur. Je vous recommande au passage le blog de Mathilde, de l’agence Citizen D et l’annuaire des professionnels de My green cocoon.

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Peintures écologiques sur Côté maison | Objets récup’ pour une déco simple et durable: sacs de jute réutilisés en contenants pour plantes, “How to make coffee bag planter pots” sur le blog Apartment therapy.

Quelques axes de réflexion pour accompagner les changements initiés:

  • Isolation avec isolants naturels (laine de chanvre, laine de bois, vêtements usés compactés)
  • Systèmes de chauffage économiques et non polluants
  • Matériaux durables (bois issu de forêt eco-gérées, matériaux massifs plutôt que reconstitués)
  • Matériaux, mobilier et objets de décoration produits à proximité de chez nous, en France ou en Europe
  • Produits à faible toxicité
  • Peinture qui respecte à la fois la santé du peintre et celle des occupants (à faible COV, peinture à la chaux par exemple)
  • Matériaux et mobilier issu de la récupération et revalorisés
  • Mobilier solide donc durable
  • Meubles de seconde main (dépôts-ventes, vide-greniers, Association Emmaüs ou autre,brocantes en ligne)
  • Les locations saisonnières, les locations meublées de courte durée et les échanges d’appartements vont probablement faire les frais des peurs qui se sont installées durant ces semaines d’épidémie. Même si celles-ci sont (par essence) peu rationnelles, il est évident que la plupart des locataires voudront s’assurer du nettoyage rigoureux des lieux entre deux occupants. Cette demande apparaît légitime de la part des locataires : charge donc aux loueurs de s’acquitter du nettoyage. Mais permettez-moi de m’interroger sur les méthodes de désinfection que l’on nous montre à longueur de journaux télévisés : Que savons-nous de la substance « virucide » pulvérisée du sol au plafond dans les bureaux, les administrations et même les écoles ?… Ceci mis à part, je suis toujours disponible pour vous aider à agencer, meubler et décorer vos locations pour leur donner tout l’éclat qu’elles méritent. Et si par malheur vous deviez passer vos vacances dans une maison moche, suivez ici mes conseils déco !

Assumer sa personnalité

J’ai été assez intriguée, durant le confinement, par la façon très décomplexée dont les journalistes, les artistes, les intervenants plus ou moins spécialistes COVID (assurément de leur point de vue, hasardeusement du mien) et les simples citoyens faisaient usage de leurs webcams. Nous sommes entrés sans effraction dans leurs logements et nous n’ignorons plus rien de leurs plafonds (à moulures, à poutres ou à spots encastés) ni du contenu de leurs bibliothèques. Toute une intimité dévoilée sans filtre. Mon humeur est souvent passée par l’agacement (Franchement, fais ta vaisselle avant de te filmer dans sa cuisine) ou l’exaspération (Ben voyons, plains-toi de la réclusion dans ton 200m² avec toit-terrasse). Mais finalement, je préfère voir dans la décontraction une aisance plutôt qu’une désinvolture : une façon de montrer sa vie donc de l’assumer. Je ne suis pas sûre que dorénavant les consommateurs seront aussi enclins à suivre bêtement les tendances qu’avant. J’espère en tout cas que chacun se sentira plus libre de faire correspondre ses choix d’ameublement et de décoration à son mode de vie et à ses propres goûts plutôt qu’aux modes qui passent.

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C’est quoi une déco moche ? Comment assumer sa personnalité ? Une couleur, deux styles: Henri Matisse et David Lloyd. Visuels à retrouver sur le tableau Pinterest « Tableaux déco d’intérieur »

Ce qui va changer dans mon travail ?

En ce qui me concerne, j’ai toujours essayé de garder le cap dans la transparence et l’écoute attentive de mes clients, mais je suis sûre que le confinement m’a moi aussi changée : j’ai encore plus envie de vous aider à co-habiter ! La ligne que je me suis fixée sera toujours la même mais, ensemble, nous explorerons encore d’autres chemins.

  • Être à votre écoute pour respecter au mieux vos envies et vos besoins. Au risque de me répéter, je redis que je fais mienne cette affirmation de Maïlys Dorn : “Le rôle de l’architecte d’intérieur n’est pas seulement de dessiner des maisons mais de dessiner des vies”. Je suis de plus en plus attentive dans mon approche à faire émerger les appétits de chacun pour mieux trouver des chemins de convergence. Après ce confinement, je crois que chaque famille aura désormais aussi en tête un certain nombre de situations conflictuelles qui confirmeront l’importance (l’évidence) de la dimension relationnelle dans le travail de réorganisation des espaces.
  • Valoriser l’espace dont vous disposez. Je travaille souvent à la réfection de petits espaces et je suis devenue au fil des ans spécialiste en optimisation d’espace, car chaque mètre carré compte, surtout dans nos grandes villes… La plus petite salle d’eau que j’ai renovée et que vous retrouverez dans mes réalisations mesure 1,6m²! Cela ne m’empêche pas de travailler avec plaisir à des projets de grands volumes, mais je le ferai toujours avec le souci de valoriser l’immobilier, car chaque maison, parce qu’elle est le creuset d’une ou plusieurs générations, mérite qu’on respecte autant son passé que son devenir.
  • Produire un résultat harmonieux avec une dépense modérée. J’ai développé mon approche dans la présentation de mon activité avec deux maîtres mots: harmonie et économie. Je recherche toujours les matériaux, le mobilier et les accessoires qui correspondent le mieux à votre budget et je suis adepte de la débrouille (récupération, détournement…). Néanmoins, je suis de plus en plus attentive à la provenance, à la non toxicité et à la durabilité des produits (notre avenir ne mérite-t-il pas qu’on investisse un tout petit peu plus?) pour que dans « l’univers de la décoration » aussi on réalise la conversion écologique proclamée par le Pape François dans son encyclique Laudato si’ (24 mai 2015).
  • Voir, écouter, sentir, toucher. Je suis persuadée que la décoration n’est pas qu’une affaire de couleurs ! L’harmonie visuelle n’a de raison d’être que si elle va de pair avec l’harmonie de la personne. Celle-ci étant, Dieu merci !, dotée de plusieurs sens, je m’efforce d’intégrer dans mon rapport à la maison le maximum de critères sensoriels : odeurs, qualité de l’air, sons, isolation phonique et thermique, formes, reliefs, textures… Vous trouverez tout le fruit de mes réflexions à ce propos dans le dossier La déco pour les aveugles et dans le tableau Pinterest La déco pour les aveugles (Idées de décoration adaptée aux aveugles et mal-voyants, mettant particulièrement en avant les sens du toucher).

Pour vous rassurer ! Les règles édictées par le gouvernement pour éviter la propagation du virus après le déconfinement sont assez aisées à mettre en oeuvre dans ma profession. Il n’y aura donc pas de changements notables dans nos relations. Durant nos échanges, je porterai un masque si vous le souhaitez, je respecterai bien sûr les distances imposées (pour cela, j’ai assez bien le compas dans l’oeil !) et je me badigeonnerai les mains de gel hydro-alcoolique avant de manier mon télémètre. Haut les coeurs !

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Aménager des grands volumes ou décorer son petit coin d’intimité : cheminée en pierre et salon cathédrale meublé avec simplicité sur Côté maison (photo Eric Roth) ; petits collages de photos d’ancêtres et de plumes au mur, assise de chaise bidouillée avec une caisse de vin, sur Côté maison (photo de Architectural Digest).

Faites le test : Pendant ces 2 mois de réclusion…

  • Avez-vous trouvé le temps long ? Pas du tout, du tout ! Je n’ai pas encore fini de ranger mon bureau…
  • Avec qui auriez-vous aimé être confiné ? Mon trio habituel a appris à s’apprivoiser avec ses doutes et ses joies, c’est déjà formidable !
  • Qu’est-ce qui vous a le plus manqué ? Un jardin… et la messe !
  • Qu’est-ce qui vous a le plus agacé  ? Sans hésiter, les petits pas incessants au-dessus de ma tête (enfant 1, ressenti 20). Et aussi les discours péremptoires, les indécisions, les hypocrisies, les approximations.
  • Qu’est-ce qui vous a le plus rempli de joie ? De prendre le temps, de lire, d’écrire, de réfléchir à tête reposée, d’écouter les oiseaux chanter, de flâner sur les blogs (emprunter virtuellement La ligne 13)… et de commencer à ranger mon bureau.

Après le coconfinement, place au décofinement !

emmamaydeco_IG_decor_simplicite_slowSimplicité du décor chez @emmamaydeco pour une maison « éthique et esthétique »