L’ouverture exceptionnelle de la villa Cavrois durant le deuxième quinzaine de septembre 2013 a été l’occasion d’une découverte architecturale que je vous partage ici, avec curiosité et étonnement. Du nom d’un industriel du Nord, Paul Cavrois (1890-1965) qui employa jusqu’à 700 personnes dans ses usines textiles de Roubaix (filatures, teinturerie, tissage mécanique), la villa est située dans la commune de Croix, en banlieue résidentielle de Lille. Elle a été entièrement conçue en 1929 par l’architecte français Robert Mallet-Stevens (1886-1945), contemporain de Le Corbusier (1887-1965) et défenseur comme lui du « Style international ».
En 1933, les époux Cavrois s’installent avec leurs 7 enfants dans cette demeure démesurée et moderniste. Rien n’est trop ambitieux dans le projet architectural, trop luxueux dans le choix des matériaux, trop moderne dans les équipements domestiques. Comme dans les décors de cinéma dont il a le secret, Robert Mallet-Stevens s’occupe de tout, de la conception du projet au dessin du mobilier réalisé sur mesure. Poignées de portes, éclairages, interrupteurs, radiateurs… chaque détail participe à la réalisation de cette bâtisse contemporaine, à la fois œuvre d’art complète et demeure familiale fonctionnelle et confortable.
Rachetée en 2001 par l’État, la villa est alors dans un état déplorable. Ayant subi tour à tour l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale, un nouvel agencement par l’architecte Pierre Barbe en 1947 (pour adapter les pièces à la suite du mariage des enfants) puis la vente en 1987 (après le décès de la veuve Cavrois) à un promoteur indélicat dont la convoitise porte non sur la maison mais sur l’étendue prometteuse de son parc, la villa délaissée et même pillée tombe en ruines. Malgré un classement aux monuments historiques dès 1990, elle n’est pas épargnée par les dépradations. Les travaux de restauration commencent enfin 12 ans plus tard, après le rachat de la villa par l’État pour préserver ce témoignage patrimonial d’autant plus important que toutes les archives de Mallet-Stevens ont été détruites à sa mort, selon sa volonté, en 1945. Le « clos et le couvert » (étanchéité des ouvertures et de la toiture) son assurés en 2004 et inaugurent un vaste chantier pour restituer la villa Cavrois dans son état d’origine… sauf le parc, en grande partie loti de maisons cossues protégées des regards indiscrets par de double-haies !
La restauration, mise en œuvre par le Centre des monuments nationaux depuis 2008, sera achevée en 2015. En attendant la visite complète, on a pu accéder, lors des quelques jours qui ont suivi les journées du patrimoine en septembre, à une partie des pièces : l’entrée luxueuse, le salon baigné de lumière, la fastueuse salle à manger, l’étonnant escalier bicolore et une partie des salles de bain, sans oublier la superbe terrasse d’où l’on admire à la fois les facettes architecturales de la villa et la vue apaisante sur le jardin.
L’immense baie du salon-hall baigne de la blanche lumière du Nord le parquet fraîchement restauré et les murs vert pâle. Le mobilier, dispersé aux enchères lors de la vente de la propriété est progressivement racheté et remis à sa place d’origine ; conçu et fabriqué spécialement pour la villa, il lui redonne peu à peu vie. Tels des pièces de puzzle, les meubles retrouvent leur emplacement pour recompléter l’œuvre de Mallet-Stevens. Le coin cheminée, en contrebas, comprend l’âtre et un ensemble de banquettes entièrement recouverts de marbre jaune de Sienne (couleur moutarde… un coin du feu un peu lourdeau à mon goût qui contraste bizarrement avec l’élégante clarté de la pièce). Le salon vert est surmonté d’une mezzanine d’où l’on jouit d’une vue exceptionnelle sur le jardin et son miroir d’eau.
Tout l’art est dans le détail des éclairages soignés et originaux
Les éclairages particulièrement soignés du vestibule d’entrée. L’aluminium brillant des cache-radiateurs fait écho aux 4 appliques « au cerceau » de Jacques Le Chevallier et René Koechlin. Contrastes d’ombres et de brillances, accentués par la spectaculaire montée d’escaliers aux marches de marbre blanc et contre-marches de marbre noir (on peut aussi monter à l’étage par un ascenseur dont les portes sont signées Jean Prouvé).
La salle à manger (des parents… les enfants avaient leur propre salle à manger!) est d’un luxe ostentatoire : sol et murs sont recouverts de marbre vert de Suède et les buffets sont en poirier noirci. Les miroirs et l’aluminium brillant du cache-radiateur (au design différent de ceux du vestibule et du salon-hall) jouent encore ici avec la lumière.
La géométrie de l’habitation est soulignée par les contrastes de couleurs. Sur les façades, la brique jaune (fabrique spéciale pour la villa) met en valeur les larges baies vitrées encadrées de noir.
Toit-terrasse, piscine à plongeoir et miroir d’eau bordé de buis.
Au rez-de-chaussée, juste au-dessus de la picine, les chambres sont en cours de restauration.
J’arrête là la visite et vous montrerai peut-être plus tard, comme je l’ai fait pour l’hôtel Nissim de Camondo, quelques images de détails intéressants des salles de bains, mais en attendant je file prendre le pouls des tendances encore plus modernistes au salon Idéobain…
Villa Cavrois Centre des monuments nationaux Avenue John-Fitzgerald Kennedy 59170 CROIX 03.20.73.47.12 www.monuments-nationaux.fr Ouverture au public à partir de 2015
Merci pour le reportage documenté
cette histoire est malheureusement
répétitive et commune à de nombreuses
réalisations contemporaines …
L’essentiel est que de tels lieux d’exception puissent être restaurés et ouverts au public. Merci Lilubelle de votre fidélité. Laure
je reste insensible à ce type de lieu !
J’essaie d’être éclectique ! Même si l’on est peu réceptif à ces lieux un peu froids, on ne peut nier l’intérêt architectural ni la pureté des lignes. Bon WE Marie-Anne ! Laure
Très intéressant Laure, j’essaierai d’aller la visiter aux prochaines journées du patrimoine en septembre 2014. D’ici-là, la rénovation aura encore avancé, j’imagine. J’ai hâte de voir les photos des salles de bains par contre.
En ce qui concerne Ideobains je n’ai pas été époustouflée, je ne sais pas pour toi… Je prépare également un petit reportage photo de ce qui m’a le plus plu.
Bon WE
Nat
[…] blogs dont sont tirées les photographies grand format ci-dessus : decoatouslesetages […]