Saviez-vous que le magazine Elle avait en son temps commis des publications que l’on pourrait aujourd’hui trouver… aliénantes. Il y a quelques jours, j’ai trouvé une pépite dans la boîte à livres récemment installée sur mon trajet appartement-métro. Une collection entière de pépites même ! Plusieurs volumes de la collection ELLE encyclopédie, publiée en 1958 par la librairie Arthème Fayard.
Laurence Einfalt, championne de l’organisation de la maison, nous parle régulièrement de son précieux Larousse Ménager Illustré de 1926. Et c’est chaque fois un régal ! Le Mondial Suédois aurait-il eu du succès en 1926 ? 1926: comment on concevait la cuisine ouverte ? Qu’est-ce que le ménage d’après mon Larousse ménager de 1926 ? 1926: tout sur le vestibule…
De mon côté, je vous ai présenté à plusieurs reprises (notamment à propos du concept de cuisine ouverte et de l’arrivée du coin toilette dans les logements), mon non moins précieux Maîtresse de jeune maison, publié chez Hatier en 1965… l’année de ma naissance !
Lorsque le magazine Elle m’avait consacré un article en 2015, dans son édition lilloise du n°3611, j’étais loin de m’imaginer que la revue avait, quelque cinquante-sept ans plus tôt, complaisamment cantonné la femme à un rôle unique et absolu de ménagère accomplie. Bref, entre 1926 (Larousse Ménager Illustré) et 1969 (réédition de mon Maîtresse de jeune maison), pas grand chose n’a changé… Il semble que toutes les publications de la période aient été à la gloire exclusive de la femme au foyer… Je ne me lancerai pas dans un grand débat de société, mais veux seulement vous partager mes grands éclats de rire à la lecture des deux volumes de ELLE encyclopédie piochés dans la fameuse boîte à livres : Madame Proprette – votre maison toujours nette – et Elle s’installe – une mine d’idées décoration – ! (La collection comprend aussi le merveilleusement viril Elle au volant et le très audacieux L’accouchement sans douleur !).
ELLE encyclopédie, votre bibliothèque pratique est à votre service
La vie, aujourd’hui, est exigeante : elle demande à la femme actuelle d’être un étrange phénomène. A la fois ménagère, cuisinière et couturière, elle doit aussi être mère, puéricultrice, éducatrice et peut-être encore chauffeur, ou mécanicienne et, en même temps, belle, élégante, cultivée… Comment répondre à cette exigence ? Comment être tout cela à la fois ? Comment être parfaite ? »
Madame Proprette – votre maison toujours nette –
« Je vous présente Madame Proprette. Elle est souriante, son foyer est heureux, sa maison toujours nette et reluisante. Comment accomplit-elle ce tour de force ? » Excellente question ! Pour ma part, même si je suis persuadée que notre intérieur est souvent le reflet de notre personnalité, je ne suis pas absolument sûre que le bonheur du foyer soit en lien direct avec l’absence de poussière sur les meubles ! « Madame Proprette commence toujours par réfléchir : cela n’est jamais une perte de temps. Quelques minutes de réflexion permettent de prévoir, d’organiser, d’agir plus vite et mieux. Un travail pensé d’avance, exécuté avec méthode, de la meilleure façon possible, est efficace et se fait dans la bonne humeur. » En effet, réfléchir est rarement une perte de temps… en tous cas je vous y invite pour agencer, aménager et décorer votre logement : envisager les meilleures options, anticiper les changements familiaux, optimiser l’espace et le rapport qualité/prix, tout cela n’est jamais une perte de temps ! Mais, pour faire le ménage, convenez qu’il n’est peut-être pas utile de consacrer plus de quelques secondes à la réflexion pour savoir dans quel sens passer le chiffon ! Madame Proprette – votre maison toujours nette – nous propose un programme complet de ménage quotidien, hebdomadaire, mensuel et annuel… de quoi occuper des journées de 30 heures minimun sans sommeil et sans vacances (et sans garantie d’être parfaite… et encore moins épanouie). Quelques exemples pour rire ensemble de ces conseils délicieusement désuets !
L’outillage de Madame Proprette : « Madame Proprette s’habille d’une blouse enveloppante, elle porte une paire de gants de caoutchouc, un foulard sur la tête et elle met des chaussures souples à talons plats. »
Madame Proprette fait le lit à fond (travail quotidien) : « Retournez le matelas, battez-le ou passez-le à l’aspirateur ainsi que la couverture »…
Madame Proprette nettoie le séchoir à linge de la salle de bains (travail quotidien)
Madame Proprette entretient sa cuisine (travail quotidien)… en commençant par l’évier !
Madame Proprette nettoie les cravates et les poches de son mari (travail quotidien)
Madame Proprette repasse les mouchoirs (travail quotidien)
Madame Proprette époussette les lustres (travail hebdomadaire)
Madame Proprette entretient les ceintures en peau de porc (travail mensuel)
Madame Proprette nettoie les radiateurs à gaz et les radiateurs électriques (travail annuel)
Madame Proprette prépare le cartable du fiston pour la rentrée (travail annuel)
Elle s’installe – une mine d’idées décoration –
« S’installer, quoi de plus délicieux ? On fait des rêves, on songe, on sourit ! « Ici, je mettrai les rideaux de ma belle-mère qui sont encore si frais, là, mes fauteuils Louis XVI, et là mon petit bonheur du jour. Supprimerai-je la cheminée pour gagner de la place ? Peindrai-je les murs en vert ou choisirai-je ce papier peint damassé comme un velours ? Et la moquette ? Vaut-il mieux l’assortir aux rideaux ou aux sièges ? Ou ne pas l’assortir du tout ? « … Allez, je vous garde ça pour une prochaine publication !
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Je suis stupéfaite de lire tout l’arsenal ménager dont doit disposer madame Proprette,et de toutes les recettes qui vont avec, pas étonnant qu’il faille une encyclopédie pour se souvenir de comment s’y prendre et avec quel produit…(et l’écologie, hein, malheureuse!!)
Eh bien, c’est fort édifiant…
Mais d’un point de vue historique(?) (ethnologique?), c’est intéressant de voir qu’ à cette époque, l’entretien ne se résumait à laver/jeter, et qu’on donnait les moyens de réparer, détacher, entretenir de façon soignée (très contraignante certes)….(vous graissez les parties métalliques de radiateurs vous? Moi pas du tout…;)
Quant au lit, je suppose qu’on parle ici de matelas en laine, et, pas d’autre choix que de le retourner tous les jours…eh oui…Par contre madame Proprette, quand on défait le lit, on aère la chambre! (et toc!)
Mais c’est bien amusant à lire tout ça!
Merci Filo, je trouve en effet ça très intéressant du point de vue ethnologique !
Il y a encore dans ce livre des tas de trucs improbables comme nettoyer une tache de liqueur sur un meuble laqué ou entretenir ses fourrures à la sciure de cèdre…
En ce qui concerne le lit, je ne vous ai mis qu’un tout petit extrait ! En réalité, il y en a 3 pages, y compris le nettoyage du « matelas de caoutchouc » !
Le « travail quotidien » commence par « Rapidement, tous les jours, le ménage de la chambre : Réunissez dans la pièce tous les ustensiles de nettoyage nécessaires, en parfait état de propreté.* Ouvrez la fenêtre pour aérer. Vérifiez l’arrangement des fleurs mises pour la nuit dans une autre pièce et ajoutez de l’eau dans les vases. Videz les cendriez et le panier à papier.** Après avoir mis les draps à aérer devant la fenêtre, retournez le matelas… »
*Tiens, ça me fait penser que je n’ai pas vu de chapitre sur l’entretien de la tête de loup !
**Bien entendu, on fume dans la chambre et on laisse les cendriers pleins toute la nuit !