Depuis que j’habite tout près de ce merveilleux jardin botanique, je suis tombée sous le charme du Jardin des serres d’Auteuil (qui supplanterait presque l’affection que je porte au Jardin du Luxembourg). Roland-Garros bouclé-plié, la foule des amateurs de tennis a enfin laissé le champ libre aux riverains qui peuvent à nouveau circuler Boulevard d’Auteuil et profiter de ce coin de nature luxuriante à l’orée du Bois de Boulogne. Quand tropiques rime avec périphérique.
Les palmiers ont quitté leur habit d’hivernage qui les coiffait de parasols improvisés. Les masques grotesques fraîchement galvanisés crachent leur colère de voir bientôt une partie du jardin recouvert de terre battue*. Les rosiers et les pivoines arbustives croulent sous les senteurs.
Sous la grande terrasse de l’Avenue de la Porte d’Auteuil, palmiers protégés pour l’hiver en novembre dernier et les mêmes chauffés aux premiers rayons du soleil il y a quelques jours.
L’un des 14 mascarons qui ornent les pilastres soutenant la grande terrasse, œuvres de l’atelier de Rodin.
Avec le parc de Bagatelle, le parc Floral de Paris et l’Arboretum de Paris, le jardin des Serres d’Auteuil constitue depuis 1998 le Jardin botanique de la Ville de Paris. Il est non seulement un lieu de conservation d’un patrimoine floral exceptionnel mais aussi un cadre architectural remarquable, témoin du savoir-faire de la Belle époque. Les « serres historiques » sont l’œuvre de l’architecte Jean-Camille Formigé (1845-1926) et ont été construites à la toute fin du XIXe siècle (1895-1898). La grande serre, appelée palmarium, abrite 200 espèces poussant sous un climat subtropical humide (température 15 à 18°C, hygrométrie 65 à 80%), notamment le palmier du Vietnam Phoenix roebelenii, l’arbre fossile Cicas circinalis et le Pandanus utilis aux grosses racines aériennes. Les serres latérales plus chaudes (climat équatorial dans l’une, climat tropical dans l’autre) sont franchement dépaysantes !
D’une surface majestueuse de 600m² (au prix du m² dans le quartier…), le palmarium culmine sous son dôme à 16,5m et abrite une grande et bruyante volière qui ravit les enfants.
la végétation luxuriante de la palmeraie
En hiver, la « serre orangerie » protège les plantes en pots. Elle abrite en ce moment une exposition temporaire sur les expéditions maritimes desquelles les explorateurs ont rapporté sous nos latitudes nombre de plantes exotiques. Il y règne un climat tropical propice au envies de voyages… La mise en scène est modeste mais efficace et n’est pas sans rappeler celle de l’exposition Bougainville et les explorateurs. On y découvre l’histoire et les conditions de voyage des plantes exotiques et des légumes qui font le délice de nos papilles. Caisses de transport en bois de toutes tailles pour périlleuses traversées… Une démonstration pédagogique qui fera mieux apprécier aux petits et grands le contenu de leurs assiettes : merci Monsieur Parmentier !
Prendre le large
En 1693, Charles Plumier, « Botaniste du Roi », embarque pour les Antilles et rédige sa Description des plantes d’Amérique. En 1700, Joseph Piton de Tournefort se rend au Levant, jusqu’en Arménie, et rapporte plus de 1000 espèces nouvelles. Louis-Antoine de Bougainville voyage autour du monde de 1766 à 1773 et découvre notamment le bougainvillier en Amérique du Sud et l’hortensia en Chine. James Cook fait 3 voyages autour du monde dont le premier en 1768 conduit à découvrir près de 300 plantes australiennes dans la bien nommée « Botany Bay ». Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland théorisent la phytogéographie lors de leurs expéditions en Amérique du Sud et centrale de 1799 à 1804. Cette science étudie la répartition des végétaux à la surface du globe ainsi que les causes de celle-ci.
Extrait d’un panneau explicatif de l’exposition.
Plan de café en sac de toile jute : le café, originaire d’Éthiopie, est introduit au VIe siècle au Yémen ; le monopole turc de la circulation des plants et semences est violé au XVIIIe siècle par les hollandais qui acclimatent la plante à Ceylan. Épices présentées en bocaux : la muscade et le girofle, épices originaires des Îles Moluques, ont été implantées à l’Île Maurice par Pierre Poivre en 1772.
En 1714, le bourgmestre d’Amsterdam offre à Louis XIV un caféier qui sera ensuite remis à Antoine de Jussieu. Du royal présent naîtront les caféiers antillais.
L’escalier monumental domine le jardin à la française
*Dans la bataille qui oppose les tennismen aux jardiniers, difficile de dire encore qui remportera le trophée. Les tenants d’un agrandissement de Roland-Garros avaient gagné la première manche en 2011, avec l’appui du maire de Paris qui s’était opposé à la délocalisation du tournoi en banlieue, lui préférant un empiétement sur le jardin des serres. S’ensuit un échange de recours par des associations de défense du patrimoine et d’annulations par le Tribunal administratif de Paris. Aux dernières nouvelles, le tribunal administratif a annoncé en mars 2016 « le prolongement de l’arrêt du chantier, prononcé en décembre après l’action de la famille de Jean-Camille Formigé ». Si le projet ne prévoit qu’un empiétement sur une surface réduite du parc, il entraînera pourtant la destruction des serres chaudes construites en 1980 et privera les promeneurs de l’accès à l’intégralité du parc durant la durée du tournois. En revanche, les serres historiques seront préservées, une serre moderne construite pour remplacer les autres et les anciens bâtiment fleuriste et bâtiment orangerie restaurés pour accueillir des salles de réception. Je n’ose prendre position dans cette guerre du sport contre le patrimoine : les arguments des férus de jardin ne me semblent pas très étayés mais Roland-Garros occupe déjà 8 hectares, pour un évènement qui ne dure que 2 semaines par an…
… En attendant, je continue à y flâner avec délice !
Plan du jardin des serres d’Auteuil
Le jardin des serres d’Auteuil est ouvert toute l’année et il est gratuit ! L’été on peut même s’y promener jusqu’à 21 heures. Entrées : 1, avenue Gordon-Bennett et 1 bis, avenue de la Porte d’Auteuil, 75016Paris ; métro Porte d’Auteuil.
Merci Laure pour cette belle balade à travers ces majestueuses serres pour lesquelles je signe les pétitions pour leur défense depuis le début… On en revient toujours au même, le sacrifice d’un patrimoine plus que séculaire au profit d’investissements purement financiers et comme tu le rappelles très justement pour 2 semaines par an, scandaleux !…
Merci Valérie de me lire ! Les serres historiques fin XIXe seront heureusement préservées quoi que décide le Tribunal. Une nouvelle serre très moderne (mais pas forcément moche) devrait être construite pour remplacer les serres années 80.
Merci pour ces jolies photos et cette promenade tropicale.J’ai trouvé les palmiers enchapeautés fort amusants (chez moi, il ne gèle pas et les palmiers poussent n’importe où, surement pas en serre). Et quel bel escalier! On y ferait des photos magnifiques!
Bien triste de connaitre la suite des démêlés de l’avenir de ce magnifique jardin. C’est tellement important de pouvoir bénéficier d’un accès public à ces beaux emplacements!
Merci Filo de ce commentaire ensoleillé. Les « parasols » d’hiver sur les palmiers m’amusent aussi beaucoup !
belle promenade !
Merci Marie-Anne ! Il faut absolument venir se promener ici, c’est un cadre si paisible. On n’imagine pas que l’autoroute passe à 2 pas !
Moi aussi j’ai adhéré à l’association de défense des serres. Un jour il faudra que j’y aille en vrai!
Oui, oui, il faut venir ! C’est incroyable qu’il y ait si peu de monde dans ce jardin. J’aime énormément le Luxembourg mais les promeneurs y grouillent alors qu’à Auteuil on est presque seul !