NB : Cet article est le fruit d’une longue réflexion, il est donc très copieux mais son thème original ouvrira sans doute de nouvelles perspectives aux aveugles comme aux voyants. Il est illustré de photos légendées (placées à la fin de chaque paragraphe), afin que les malvoyants qui me liront grâce à la synthèse vocale puissent en profiter aussi ! Ces images sont volontairement choisies presque toutes dans des coloris neutres (blanc, gris, beiges) pour que chacun puisse en apprécier davantage les caractéristiques, indépendamment de la couleur.
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La décoration pour les aveugles
Je vous avais conté, il y a déjà de nombreux mois, une rencontre providentielle qui a ensoleillé mon été (http://www.decoatouslesetages.fr/2014/08/01/confiance/). Je voudrais aujourd’hui vous parler d’Anne et de nos échanges qui m’ont secouée jusqu’à porter un regard différent sur mon travail de conseil en agencement et décoration. Anne est aveugle. Aveugle de naissance. Certains penseront que la précision est inutile ; je sais qu’elle ne l’est pas et vous dirais pourquoi. Anne n’a jamais vu la lumière. Elle n’est pas malvoyante, elle est aveugle. Étymologiquement, aveugle signifie en effet privé de la vue, mais nombreux sont ceux qui préfèrent dire « non-voyant », par délicatesse ou pour atténuer une réalité qui effraye. On ne définit pas une chose par son contraire. Anne m’a appris qu’on ne définit pas la cécité par l’absence de vue. On doit la définir par la capacité exceptionnelle à développer les autres sens.
J’en viens à l’objet de mon article : j’imagine que le titre doit vous paraître incongru ; disserter de déco pour les aveugles est à la limite du ridicule ! Pourtant, alors que je ne connaissais Anne que depuis une heure à peine, elle m’a demandé de lui parler de décoration : elle envisageait de réaménager et redécorer son cadre de vie. De cette demande troublante a jailli une conversation animée, jeu de questions-réponses inimaginables quelques minutes plus tôt. Ce dialogue, pendant notre trajet en train vers l’Alsace où nous attendais Véronique, notre hôte bienveillante, a fait naître une réflexion qui a mûri et m’a transformée. Sans Anne qui a provoqué la rencontre et sans Véronique qui m’a permis de synthétiser le contenu de notre conversation, jamais je n’aurais imaginé la décoration autrement que d’un point de vue visuel (le pléonasme est éloquent). Il paraît pourtant évident à chacun qu’un carrelage au sol est pratique d’entretien mais dur et froid sous les pieds, qu’un parquet est souple et chaleureux mais bruyant, qu’une moquette est silencieuse et moelleuse mais salissante… tout cela indépendamment de leur couleur. Mille idées ont foisonné dans mon esprit depuis ce mois de juillet 2014. Brassées, analysées, digérées, je tente ici de les remettre dans l’ordre pour vous partager ce petit recueil. Saint-Exupéry a écrit qu’« on ne voit bien qu’avec le cœur » ; je vais essayer de vous montrer qu’on peut voir de mille autres façons qu’avec les yeux.
Photo : lézard de taille réelle, réalisé en petits coquillages collés contre le mur de pierre d’une maison. Cela s’appelle un trompe-l’œil mais ce lézard en relief est aussi amusant au toucher qu’à la vue ! (photo prise dans le quartier de l’Ile Penotte aux Sables d’Olonne)
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Plan de l’exposé
Première partie : La décoration à travers les perceptions propres de l’aveugle
- La vue
- L’ouïe
- L’odorat
- Le toucher
- Le sixième sens !
Deuxième partie : La décoration à travers les yeux d’autrui
- Ce que tu entends et sens et que je n’entends ni ne sens
- Ce que je vois et que tu ne vois pas
- Comment l’aveugle peut-il aider le décorateur à approfondir son travail ?
Photo : Dans une entrée ou un couloir, le mur est décoré avec des plumes collées, sur une surface d’environ 1 m². Les plumes sont douces au toucher mais l’effet est évidemment plutôt visuel puisque c’est la juxtaposition de plumes différentes qui constitue un décor original (photo blog Chiara Stella Home).
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Première partie : La décoration à travers les perceptions propres de l’aveugle
Selon l’Association Valentin Haüy, la France comptait en 2008 65.000 aveugles complets et 1.200.000 malvoyants profonds (vision résiduelle limitée à la distinction des silhouettes) ou moyens (incapacité à reconnaître un visage à 4 mètres, incapacité à lire et écrire). C’est dire si notre sujet concerne un nombre significatif de nos concitoyens.
J’ai choisi d’aborder les perceptions propres de l’aveugle à travers les 5 sens que sont la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher et le goût, même si l’alchimie entre eux ne suffit pas à définir une ambiance. Certaines sensations relèvent de l’intuition et l’atmosphère émane souvent davantage des personnes qui vivent dans la maison que de la décoration de celle-ci !
La vue ne peut être prise en compte que pour les malvoyants. Le goût n’a à mon avis aucun rapport avec la décoration (mais peut-être m’aiderez-vous à découvrir le rôle des papilles en déco !). Le toucher se révèle sous une multitude de facettes. Je vais tenter de vous expliquer le fruit de ma réflexion avec mes mots de voyante, donc forcément de façon imparfaite pour les aveugles qui me liront (merci à Louis Braille et à la transcription vocale !) et qui j’espère me pardonneront mes approximations ou indélicatesses.
- La vue
L’acuité visuelle d’un malvoyant est faible, très faible voire quasi-nulle. Certains malvoyants sont comme sous un nuage qui laisse filtrer la lumière ; d’autres sont comme derrière un vitrail : ils perçoivent aussi les couleurs. Pour ceux-là qui ne sont pas « plongés dans le noir », la luminosité a une grande importance dans la décoration. Elle se traduit par 2 points principaux :
– L’exposition à la lumière naturelle : quelle est l’orientation du logement ? Le cloisonnement des pièces permet-il la diffusion de la lumière naturelle ?
– L’éclairage artificiel : quel niveau d’intensité lumineuse est le plus confortable pour optimiser (si possible) la vision ? L’éclairage doit-il être fort ou plutôt doux ? Direct ou indirect ? Bref, comment choisir et disposer dans le logement plafonniers et lampes d’appoint pour que l’acuité visuelle soit la meilleure possible ? Il va sans dire que cette recherche induit un examen rigoureux de l’installation électrique qui ne doit pas être négligée pour ne pas provoquer de tâtonnements dangereux.
Photo : lampe applique pour chambre d’enfant (« Chouette Pop up lightning » par la designer Chen Bikovski) représentant une chouette stylisée, en tôle d’acier plié à la manière d’un origami en papier. Les grands yeux ronds s’éclairent et les ailes se déploient de chaque côté comme 2 éventails (photo The Trendy Girl)
2. L’ouïe
Les aveugles développent, dit-on, une dextérité auditive qu’égalent rarement les voyants (cette disposition est pourtant souvent le fruit d’un apprentissage). La voix les guide, la musique les transporte, les sons leur sont des jalons. L’organisation de la maison doit donc particulièrement prendre en compte le bruit, mais aussi le silence : mettre en valeur les bruits-repères, étouffer les bruits gênants, créer les conditions d’une écoute confortable.
– L’isolation phonique est-elle suffisante ? Permet-elle de minimiser les bruits de la ville ? Ceux des voisins ? Ceux de sa propre maisonnée ? Au contraire, certains bruits sont peut-être perçus non comme des gênes mais comme des repères et méritent qu’on les identifie pour mieux les prendre en compte (le grincement d’une porte, le craquement du parquet, des pas dans l’escalier, le tic-tac de la pendule).
– La décoration favorise-t-elle un climat d’écoute ? Rideaux, tapis et toutes les étoffes contribuent à absorber les bruits en évitant la résonance. Le choix des revêtements muraux et des sols est aussi particulièrement important.
– Les appareils bruyants (électroménager) sont-ils bien choisis ?
– La musique peut être mise à l’honneur : accessibilité des instruments de musique, équipement en appareils acoustiques, disposition des hauts-parleurs, etc.
– L’ambiance peut être rendue apaisante en valorisant ou en recréant des sons agréables, notamment ceux de la nature : crépitement du feu, bruissement des feuilles, ruissellement de l’eau, gazouillis des oiseaux…
Photo : tapis épais et douillet représentant un savon de Marseille. Le tapis est carré et on peut y lire en relief les mots « Savon de Marseille ». Le tissage en relief est la spécialité de l’artiste Flore Sivell qui réalise toutes sortes de tapis de formes différentes, sur mesure (photo Rectangle d’or).
3. L’odorat
La maison recèle toutes sortes d’odeurs, plus ou moins perceptibles selon que l’on y est sensible ou non. Certaines, assurément classées comme mauvaises (les poubelles !), doivent être chassées, d’autres, considérées comme agréables, doivent être valorisées. Dans ce domaine encore, il n’y a pas de position objective : chaque personne a sa propre sensation que le concepteur-décorateur doit prendre en compte.
– L’aération : ouvrir grand la fenêtre 5 minutes par jour est une nécessité sanitaire mais aussi un moyen de rester en contact avec le réel, l’air qui nous emplit les poumons et nous fait vivre. Une pièce ventilée est une pièce saine où l’air renouvelé est prêt à accueillir une nouvelle journée.
– L’odeur de la cuisine : selon que l’odeur de la soupe nous dégoûte ou nous mette en appétit, que celle du gâteau au chocolat nous réjouisse ou nous fasse grossir par la pensée, on laissera ou non les effluves s’échapper de la cuisine. On définira alors si la porte doit protéger ce lieu de recettes secrètes ou si la cuisine doit s’ouvrir largement sur le séjour.
– L’odeur des fleurs : un bouquet frais ravit autant le cœur par sa senteur que par la délicatesse de sa composition. Les cellules olfactives dilatées révèlent tous ses parfums. Celui qui ne voit pas perçoit avec plus d’acuité les fragrances, qu’elles soient naturelles ou qu’elles émanent de parfums d’ambiance (voire de désodorisants…).
– L’odeur des souvenirs : entrer dans une habitation les yeux fermés peut réveiller en nous des souvenirs tendres, heureux, nostalgiques ou plutôt sombres. « L’odeur du cuir craquelé […] est restée vive en moi. Une odeur douce, moelleuse et par endroits sèche qui se mêlait […] au parfum de lavande de mon grand-père. » (Donatella Capriglio, Au cœur des maisons).
Photos : Purificateur d’air en bois, en forme d’usine. L’objet « Usine occupée » du designer François Mangeol utilise les qualités assainissantes naturelles du bois de cèdre. La deuxième photo représente plusieurs purificateurs accolés avec les toits en dents de scie et les cheminées d’usine vus du dessus (photo blog SR 77).
4. Le toucher
Le sens du toucher est certainement celui qui parlera le plus à ceux, voyants ou non, qui me liront car il est bien concret et facile à cerner a priori. Pourtant, il ne se limite pas à une sensation sous les doigts. La matière comporte une multitude de facettes : lisse ou rugueuse, chaude ou froide, souple ou rigide, ronde ou anguleuse, etc. Le toucher se manifeste aussi en pleins et déliés : comme le silence révèle le bruit, le vide appelle la matière. Je vais ici énumérer de nombreux aspects de l’agencement et de la décoration, quasi-inclassables mais qui découlent du toucher en tant que contact entre l’environnement et le corps humain, par l’intermédiaire des récepteurs de la peau.
– La forme de la matière détermine en grande partie la reconnaissance d’un objet. Elle peut traduire une fonction (table de chevet, de salon, de repas) ou un style (un fauteuil Empire diffère totalement d’une chauffeuse fifties). Elle a une force évocatrice importante ; ainsi un coussin carré est classique, un coussin rond est accueillant, un coussin berlingot est ludique !
– La surface de la matière : Chaque meuble, chaque objet, chaque revêtement a un aspect tactile différent. Qu’il s’agisse de matériaux de construction, de mobilier ou d’accessoires de décoration, la texture importe autant que la forme. Le lisse ou le rugueux, le doux ou le rêche, le moelleux ou le raide ont d’autant plus de valeur que la couleur est indifférente.
– Le chaud et le froid : La température d’une habitation dépend bien sûr de son mode de chauffage et de son isolation thermique mais peut aussi être modulée par l’emploi de matériaux (tomettes qui gardent la chaleur, bois au toucher chaud), d’éléments domestiques (cheminée, électroménager) ou d’accessoires (ampoules, bougies).
– La ventilation : L’absence de vue fait ressentir de façon plus aiguë les courants d’air ; il est donc utile de prêter attention à l’exposition de la maison (vents dominants) et à ses ouvertures (étanchéité).
– La fluidité de circulation dépend de l’agencement des pièces entre elles et du mobilier (taille, forme et disposition des meubles). C’est probablement le point essentiel pour envisager l’organisation et l’aménagement du logement. Le passage d’une pièce à l’autre doit être facilité (couloirs, escaliers). Les meubles sont des points de repère dont la place doit être déterminée avec soin (évitez une table à angles saillants au milieu du passage !). La place des portes est déterminante et leur maintien en position ouverte ou fermée est primordial.
– Le rangement : ranger chaque chose à sa place pour s’y retrouver est une évidence mais suppose des solutions de rangement accessibles et efficaces.
– La sécurité : Le toucher fonctionne comme un système d’alarme naturel contre les dangers externes, nombreux dans la maison. Il est donc particulièrement important pour un aveugle que ce sens joue pleinement son rôle d’avertisseur. Les escaliers sont-ils sécurisés ? Les meubles sont-ils judicieusement placés pour servir de balises ? Les accessoires sont-ils pratiques d’utilisation ? La hauteur d’accrochage du mobilier ne présente-t-elle pas de risque de choc ? Les objets fragiles sont-ils écartés ? Les objets essentiels sont-ils accessibles et facilement reconnaissables ?…
– Objets d’art et objets du quotidien : L’art ne se limite pas à la peinture et le beau n’existe pas que par la vue ! Les choix décoratifs se porteront sur des objets dont la forme est admirable, le toucher agréable, la fragilité modérée. De même qu’un plan-relief permet d’appréhender la réalité géographique d’un terrain, de même le relief d’un objet aide à sa représentation mentale. Qu’il s’agisse d’une sculpture, d’un bibelot ou d’un ustensile, il est appréciable qu’un objet soit porteur d’un message tactile (motif figuratif ou symbolique, texte déchiffrable au toucher).
Photo : une commode Ikea a été « relookée » dans un style « natural design » en collant sur les tiroirs du haut et du bas des morceaux de branches coupés en 2 dans le sens de la longueur et sur le tiroir du milieu des rondelles de bois (bois debout) ; toute la façade est désormais en relief (photo Marie Claire idées)
5. Le sixième sens !
Je n’ai pas la prétention de définir ici un quelconque pouvoir ésotérique mais simplement de proposer à votre réflexion un certain nombre d’éléments qui parfois peuvent s’expliquer par des phénomènes physiques mais souvent échappent à la logique de notre raisonnement. Ces pistes sont le fruit d’une simple observation. En regardant Anne évoluer dans un environnement totalement inconnu, pendant les 3 jours que nous avons passés ensemble, j’ai remarqué que certaines « antennes » lui permettaient d’appréhender ce qui l’entoure sans faire appel aux 5 sens habituellement répertoriés. Je ne doute pas qu’elle ait des dons particuliers. Comment expliquer par exemple qu’un aveugle soit capable d’évaluer le volume d’une pièce, la hauteur d’un plafond ou la dangerosité d’un équipement défaillant ? Comment comprendre la capacité à l’émerveillement devant les beautés de la nature, l’atmosphère d’une ville, l’ambiance d’une maisonnée ?
Mon cheminement intellectuel tente d’entrer dans le mystère sans nier a priori ni chercher à trouver une explication logique.
– Le mouvement est parfois considéré comme un sixième sens. Je témoigne volontiers du pouvoir gestuel : tenir le bras d’Anne en promenade m’a appris plus sur le mouvement que de longs discours ! Inutile de préciser si un sentier s’incurve à droite ou à gauche, si un escalier monte ou descend : le geste accompagne.
– Le sens de l’équilibre, le sens de l’orientation et la mémoire sont des qualités que tout être humain possède ou peut apprendre à développer ; ils sont évidemment particulièrement utiles pour un aveugle. L’organisation de la maison en découle directement.
– L’intuition permet à tout moment de faire la synthèse entre les souvenirs lucides ou enfouis dans notre subconscient, les informations reçues de nos sens en éveil et le ressenti de nos émotions présentes. Elle permet de déterminer par exemple si une ambiance nous semble rassurante ou inquiétante.
– La capacité à sentir les champs électriques (électroception) et les champs magnétiques (magnétoception), la capacité à se situer avec les oreilles (écholocation) sont observés chez certains animaux mais concernent aussi, de façon moins évidente, un certain nombre de nos frères humains.
– Que l’on y croie ou non, la capacité à deviner les choses invisibles (anticipation, prémonition, télépathie voire don de lucidité) me semble devoir être suggérée aussi. L’empathie est la capacité à ressentir des émotions similaires à celles de notre interlocuteur. Le Credo chrétien affirme l’existence de « l’univers visible et invisible ».
– De même, la capacité à canaliser les énergies vitales qui composent l’homme (être de corps, d’esprit et d’âme) est une piste pour expliquer la sensation de bien-être, d’apaisement, de sérénité. Dans le domaine de la maison, les philosophies ancestrales indienne (Vastu) ou chinoise (Feng-Shui) tentent par exemple de vous aider à aménager votre intérieur en fonction des énergies qui y circulent.
– Enfin, je termine par la dimension surnaturelle de l’homme, créé par Dieu sans qui tous nos efforts pour tendre vers la sainteté, sinon la perfection, seraient vains. Il n’est pas incongru de lier aménagement intérieur à vie intérieure, pour illuminer notre cœur… Où l’on en revient à la célèbre phrase de Saint-Exupéry !
Photo : troupeau de moutons décoratifs de taille réelle, du designer allemand Hans Peter Krafft, en hêtre massif, cuir et laine véritable… pour une déco douce et chaleureuse (photo The Design Traveller)
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Deuxième partie : La décoration à travers les yeux d’autrui
Pendant que j’écrivais le paragraphe précédent, j’ai dit à Anne qu’elle me serait d’une aide précieuse à la relecture : elle serait mes oreilles, mon nez et mes doigts. Pour ce qui suit, je serai ses yeux !
Lorsqu’Anne m’a parlé de la décoration de son intérieur, ce n’est pas de ses sensations propres dont nous avons devisé en premier. Altruiste, elle n’envisageait la déco de son univers quotidien que pour les visiteurs qu’elle accueillerait chez elle. Pour des voyants. Cette tournure d’esprit généreuse a suscité chez moi une foule de questions. J’ai admis qu’il faut distinguer ce que les visiteurs voyants perçoivent de l’ambiance d’une maison de ce que l’hôte aveugle pense que ces mêmes visiteurs perçoivent. Vous me suivez ? Ce dont je souhaite vous parler dans ce paragraphe, c’est précisément ce que je n’ai pas traité dans le précédent : comment un aveugle imagine ce dont il est privé, la vue ? Mais aussi comment il imagine la perception par autrui des autres sens ?
- Ce que je vois et que tu ne vois pas
Ligne de vue, le site qui aide les voyants et les non-voyants à mieux communiquer, explique : « Il est important de connaître les couleurs même lorsqu’on ne peut les voir. On a besoin de savoir quelles couleurs vont ensemble, lesquelles jurent entre elles, quelles rayures, pois, carreaux, motifs existent. C’est important pour s’habiller et pour décorer son lieu de vie. » (www.lignedevue.org). Pour chaque personne en contact avec un aveugle, il est donc important de savoir choisir les mots pour décrire et faire connaître ce qui l’entoure, particulièrement l’environnement domestique.
La nécessité d’employer le bon vocabulaire est d’autant plus impérieuse que la difficulté de représentation est grande : l’aveugle par maladie ou accident aura probablement du mal à acquérir l’indispensable gestuelle mais pourra associer les mots à des notions connues, alors que l’aveugle de naissance n’a aucune référence visuelle antérieure. Il faut donc lui donner les clés pour lui permettre de se faire une représentation de ce que le voyant décrit. Sans gommer l’importance de l’imaginaire, il est primordial d’une part d’utiliser les mots avec le plus de finesse possible (plus le vocabulaire est étendu, plus la description est fidèle et plus la communication est aisée), d’autre part d’associer ces mots à des références connues ou abordables.
Photo : 3 photophores en biscuit translucide (porcelaine cuite sans émaillage) en forme de petites maisons du Nord pour décorer le salon. Ces reproductions miniature permettent de comprendre les différentes découpes de façades, notamment les pignons dits « à pas de moineau » (photo Ladekodelisa).
Comment expliquer les couleurs ?
Nous avons avec Anne parlé à plusieurs reprises des couleurs. Elle m’a dit que l’expression « plongée dans le noir » ne signifie rien pour elle : le noir est pour le voyant synonyme de nuit, d’absence de lumière donc d’absence de soleil ; l’aveugle complet le ressent comme l’absence de rayons chaleureux bienfaisants. Pour les autres couleurs, elle associe le vert à l’herbe et aux arbres, le bleu au ciel et à la mer, le jaune au soleil, le rouge au sang. Elle le sait parce qu’on le lui a appris.
Arthur Molard, dans Le monde tel que l’imaginent ceux qui n’ont jamais vu, écrit : « En réalité, il est aussi difficile pour un aveugle de naissance de se représenter les couleurs que pour un voyant d’imaginer une perception absolument dénuée de couleurs, où l’on ne trouve pas même de noir et blanc, ni aucune nuance intermédiaire […] Si les couleurs sont inaccessibles aux sens de l’aveugle, cela ne l’empêche pas de tenter de se les représenter. […] La couleur dépose son image dans la mémoire affective et non dans la mémoire sensorielle ; le mot s’imprègne de l’émotion, comme un buvard. » (cité dans Bonne arrivée au Burkina Faso, Ensemble pour l’alphabétisation des enfants aveugles et malvoyants, le blog de Jean-Marc Meyrat qui regorge de pépites ; les citations suivantes de ce paragraphe consacré aux couleurs sont extraites du même article (http://www.jeanmarcmeyrat.ch/blog/2011/05/12/le-monde-tel-que-limaginent-ceux-qui-nont-jamais-vu/).
Les principales couleurs sont ainsi associées, non seulement à la réalité objective décrite par les voyants mais aussi à des représentations mentales liées à des souvenirs ou à des émotions.
Il est donc bien difficile pour la conseillère en décoration que je suis de parler d’une couleur comme d’une référence sur une palette connue et encore plus ardu de qualifier les nombreuses nuances d’un même coloris. Mais il n’est pas impossible, grâce aux infinies connexions possibles de l’intelligence, de trouver des techniques pour expliquer les couleurs.
- J’envisage la possibilité de faire comprendre simplement les couleurs de base par le cercle chromatique usuel : il est facilement mémorisable, chaque personne voyante ou non peut s’en faire sa propre représentation mentale et il sert de socle commun de vocabulaire (couleurs primaires et secondaires).
- Associer couleur et toucher ? « L’aveugle de naissance n’hésite jamais à puiser dans des termes empruntés aux autres sens pour décrire l’image qu’il se fait des couleurs. ». Les formes, les objets, les matières peuvent ainsi être de bons vecteurs de compréhension. La décoration de l’intérieur peut y aider : une moquette douce et moelleuse comme de la mousse verte, un revêtement mural granuleux comme du sable beige, une moulure en forme de vague sur une porte bleue…
- Couleurs chaudes et couleurs froides : « le rouge brûle puisque c’est le feu, le blanc est froid comme la neige… ». La distinction que font les coloristes entre couleurs chaudes (rouge, orange, jaune) et couleurs froides (vert, bleu, violet) a une grande force évocatrice et permet à l’aveugle de se représenter l’ambiance de son environnement domestique. Le cas particulier du blanc qui semble d’une grande complexité scientifique sera facilement associé à la propreté, à l’aspect lisse et froid d’un carrelage de laboratoire, à la neige immaculée bien sûr et aux grands espaces.
- Associer couleur et longueur d’onde ? La couleur est la perception par le cerveau d’une longueur d’onde donnée transmise par la rétine ; elle est en principe la même chez la plupart des voyants mais les récepteurs peuvent être altérés (dans le cas du daltonisme par exemple). L’association entre couleur et longueur d’onde ne permet donc pas a priori de fournir une aide pratique au coloriste envers les aveugles de naissance puisque la rétine ne transmet pas l’information au cerveau. En revanche, même si la correspondance des longueurs d’onde des couleurs et des sons est scientifiquement contestable, le recours aux 7 couleurs de l’arc en ciel (rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet) permet d’établir un lien avec les 7 notes de musique. Je préfère pour ma part m’en tenir au cercle chromatique usuel à 6 couleurs principales (rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet).
- Associer couleur et son ? « La plupart des aveugles de naissance n’hésitent pas à puiser dans les impressions auditives pour se représenter les couleurs. […] La comparaison n’est pas insensée : couleurs et sons ont en commun de se définir par une certaine fréquence (hauteur pour le son, teinte pour la couleur), une certaine pureté (timbre pour le son, saturation pour la couleur), une certaine intensité (force pour le son, valeur ou luminosité pour la couleur)… » Certains mots du vocabulaire courant s’appliquent à la fois au domaine de la musique et à celui de la couleur : gamme, note, tonalité…
- Les termes de nuance, d’intensité, de dégradé, de camaïeu, de clarté, de brillance, de profondeur, de contraste sont forcément d’une grande complexité. Je pense pouvoir les expliquer partiellement par la représentation que peut se faire l’aveugle d’un paysage maritime : on y voit ensemble le ciel et la mer de couleur bleue mais on est capable d’y distinguer 2 nuances de bleu, le bleu de la mer (un peu plus vert parce qu’il y a des algues dans l’eau) du bleu du ciel (un peu plus gris par temps de pluie) ; si les tons de bleus sont très proches, on pourra tout de même distinguer le ciel de la mer parce que celle-ci brille (le soleil y fait des éclats de lumière comme des éclats de rire joyeux)… Il me semble qu’avec un peu d’imagination, beaucoup de bonne volonté et une bonne dose de pédagogie on pourrait décrire l’indescriptible !
Photo : Une plage de la « Côte de lumière », juste avant le coucher du soleil. La mer et le ciel sont de la même couleur. Le ciel est couvert mais quelques faibles rayons de soleil passent entre les nuages et se reflètent sur la mer qui brille et sur une flaque toute lisse dans le sable. Quelques rochers plats dépassent à peine de l’eau : ils sont sombres et contrastent avec la mer bleu-gris pâle ; ils sont robustes et contrastent avec la mer calme (photo prise sur la plage de Jard-sur-mer en Vendée).
Comment expliquer les associations harmonieuses de couleurs ?
Associer harmonieusement les couleurs est, même pour les voyants, un exercice délicat : relativement intuitif chez certaines personnes, il nécessite le plus souvent un apprentissage et quelques conseils ! A fortiori, pour les aveugles, la gymnastique devient un sport de haut niveau.
D’où probablement la nécessité de simplifier les associations en employant un nombre limité de coloris. Cette démarche simplificatrice est loin d’être en contradiction avec la recherche de l’harmonie décorative : on évite toujours les fautes de goût et les associations approximatives en se limitant à 2 ou 3 couleurs par pièce.
- Il est utile de savoir qu’on peut associer sans risque une couleur neutre (blanc, gris, beige) à une des 6 couleurs pures du cercle chromatique (ou à ses déclinaisons).
- L’utilisation de dégradés (une seule couleur déclinée du foncé au clair) ou de camaïeux (couleurs proches sur le cercle chromatique) est harmonieuse sans être audacieuse.
- Il est aussi intéressant de savoir qu’une couleur s’accorde bien avec sa complémentaire.Il semble possible d’apprendre par cœur, comme on le fait en classe en cours d’arts plastiques, que l’orange est la couleur complémentaire du bleu, le vert celle du rouge et le violet celle du jaune. La représentation mentale du cercle chromatique peut alors servir de support. La notion de complémentarité s’acquiert dès le plus jeune âge des aveugles par les jeux de formes et s’affine ensuite, ne serait-ce que par la différence masculin-féminin. L’accord des couleurs peut alors se comprendre comme une correspondance de « ce qui va ensemble ».
- L’habitude des coloristes et fabricants de peinture de donner aux différentes teintes des noms compliqués peut parfois être un obstacle qui nécessitera l’aide d’un voyant mais peut aussi être un atout par sa force évocatrice. L’aveugle associera de lui même le coloris « galet » à quelque chose de doux. Là encore, la pédagogie est importante : on peut par exemple expliquer la couleur « brique » par les étapes de fabrication d’une terre cuite.
Photo : coussins confectionnés dans un tissu de coton Ikea. L’étoffe représente de très grandes feuilles d’arbres, d’espèces et de couleurs différentes (jaunes, verts, bruns) ; les contours sont découpés puis cousus pour fabriquer de drôles de coussins en forme de feuilles aux couleurs de l’automne (photo Ikea).
Comment expliquer les motifs et les styles ?
Je ne suis pas sûre qu’il faille m’étendre longuement sur cette question dont les réponses me semblent relativement simples et liées avant tout à l’apprentissage. Pour les aveugles tardifs, elle ne se justifie pas plus que la question des couleurs. Pour les aveugles de naissance, elle fait essentiellement référence à des acquis de l’enfance que le décorateur pourra compléter (comme il le fait pour des voyants) par des connaissances d’ordre historique ou culturel.
Sur l’excellent site internet de l’association Enfant aveugle (http://enfant-aveugle.com), la rubrique consacrée à l’éveil des sens a particulièrement retenu mon attention : elle décrit les sensations au toucher léger et à la manipulation et énumère les principales formes (figures planes et solides) pour faciliter l’apprentissage du vocabulaire et des perceptions. Cette démarche passionnante intéressera à mon avis autant les familles concernées par un handicap que tous les éducateurs, parents et enseignants. Elle est un hymne à la beauté du geste et à la délicatesse.
Photo : Délicates anémones sauvages en papier pour des décors de fête. Ces poétiques fleurs des champs sont façonnées en relief : les pétales découpés sont assemblés et le pistil représenté par des perles collées (photo Kalifragili).
Comment expliquer la mise en valeur de l’espace ?
Dans l’agencement de la maison, la géométrie de l’espace occupe évidemment une place cruciale : c’est le socle structurel sur lequel s’organisent l’aménagement et la décoration du logement. Sans architecture, pas de décoration. Mon travail de voyante consistera à décrire l’espace pour permettre à l’aveugle d’en construire une image mentale. Aider le voyant à se représenter son environnement (tel qu’il est ou tel qu’il souhaite le faire évoluer) passe donc par 2 étapes concrètes :
- Premièrement, décrire par les mots adéquats la réalité de la construction (distances, hauteurs, volumes, éléments architecturaux). Il ne me semble pas utile d’utiliser avec les aveugles les notions de perspective ou de ligne d’horizon, particulièrement difficiles à appréhender car complètement visuelles (résultent de l’effet d’optique de l’éloignement représenté en 2D). En revanche, la simple position des mains, guidées avec tact, explique le vertical, l’horizontal ou le biais. Une fois posé ce vocabulaire de base, les conseils donnés seront les mêmes pour un voyant ou pour un aveugle, soit que ces conseils le concernent directement (pente d’un escalier, planéité d’une surface, disposition d’une cloison), soit qu’ils concernent ses hôtes voyants (les rayures verticales semblent augmenter la hauteur d’un plafond, les lignes horizontales élargissent visuellement une pièce).
- Deuxièmement, présenter l’aspect d’une pièce existante ou d’un projet d’embellissement non pas en vue 2D (plan ou dessin) mais sous forme de maquette 3D (volume palpable). De nombreux aveugles peinent en effet à se représenter les objets, et à plus forte raison de plus grands volumes, sous forme de dessins ou plans, fussent-ils en relief (Anne me dit qu’elle ne sait pas reconnaître un dessin « à plat » en suivant une ligne en relief du doigt, mais seulement un volume). Je cite là encore Arthur Molard dans le blog de Jean-Marc Meyrat : « L’aveugle de naissance peut se représenter la plupart des objets en les palpant. Quand ceux-ci sont trop imposants, des maquettes ou des reproductions peuvent s’y substituer. » Notons néanmoins que les enfants de la nouvelle génération apprennent désormais à lire un plan en 2D, ce qui facilite évidemment le repérage dans l’espace.
Cette pédagogie bienveillante constitue un formidable outil pour aider l’aveugle à se représenter visuellement le monde qui l’entoure, donc, en réduisant les incompréhensions, à entrer dans une relation plus sereine avec autrui. Mais l’enrichissement de la relation passe aussi par un effort du voyant pour comprendre l’univers de l’aveugle afin d’anticiper ses attentes.
Photos de gouttes d’eau en 2 dimensions ou 3 dimensions : Une photo représente 3 sculptures en bois lisse (naturel mais bien poncé), en forme de grosses gouttes, de tailles différentes (photo Zü). L’autre représente des sous-verres en feutrine, en forme de gouttes ou de nuages (photo Chiara Stella Home).
- Ce que tu entends et sens et que je n’entends ni ne sens
Je voudrais ici tenter de répondre à la question « Comment un aveugle imagine-t-il la perception par autrui des autres sens ? ». Dans la mesure où, comme on l’a vu dans la première partie, ses propres sens sont particulièrement aiguisés, des incompréhensions, des agacements voire des quiproquos peuvent ternir l’échange avec les voyants. Il est donc éminemment important pour ceux-ci de pouvoir exprimer leur ressenti pour que l’aveugle puisse apprécier l’importance du décalage avec ses propres perceptions. De même que l’entendant peut dire avec simplicité au sourd qu’il fait trop de bruit en claquant les portes et que cela le gêne, de même le voyant peut dire à l’aveugle qu’il ne mesure pas à quel point une couleur est criarde. Tout cela avec tact bien sûr. La relation n’en sera que plus saine !
Comment la vue supplante chez le voyant tous les autres sens ?
Le voyant, par habitude (ou paresse intellectuelle), accorde une importance exagérée au sens de la vue, oubliant de développer les autres. Comme l’exprime si bien la formule « ça saute aux yeux », l’aspect visuel de l’environnement est le premier que remarque un voyant. La vue a tendance à occulter les autres sens. Par exemple, il m’est rare de rentrer dans une église sans en énoncer le style d’architecture, en calculer mentalement les proportions, en contempler la voûte en berceau et les ornements admirables. Pourtant, je pourrais y remarquer d’abord l’odeur d’encens mêlée à la cire ou les notes échappées d’une chapelle absidiale où quelques musiciens répètent pour un concert. La perception des sens autres que la vue nécessite, la plupart du temps, un effort. La vue est une évidence ; l’ouïe, l’odorat, le goût ou le toucher sont des auxiliaires. C’est particulièrement vrai quand le sujet est coloré ou original, mais aussi quand la juxtaposition des coloris et des formes est exceptionnellement harmonieuse ou vraiment hideuse ! Le voyant se fie à sa vue comme on s’accroche à une bouée de sauvetage ; il lui vient rarement à l’idée d’utiliser les autres sens pour rétablir un équilibre ; c’est sa solution de facilité. L’aveugle l’expérimente souvent à ses dépends. Pourtant, la très répandue « peur du noir » est la preuve que, privé momentanément de lumière et de couleurs, l’individu redonne quasi-instantanément à l’ouïe, à l’odorat et au toucher toute leur importance : un craquement de parquet, une odeur de brûlé ou un courant d’air prennent dans le noir des proportions considérables !
Comment l’aveugle imagine-t-il la perception par autrui des autres sens ?
À l’inverse, l’acuité auditive, olfactive et tactile étant plus fines pour lui, l’aveugle à du mal à imaginer qu’il n’en soit pas de même pour le voyant. Il accordera donc vraisemblablement plus d’importance à des paramètres que son entourage n’a même pas remarqués. Nombre de ménagères accomplies accueillent leurs hôtes en s’excusant du désordre, pensant que c’est probablement la première chose qu’ils verront. Aussi bien, celui qui ne voit pas pourrait ouvrir sa porte à ses invités en s’excusant d’une odeur jugée trop forte ou d’un bruit extérieur qu’il perçoit comme un vacarme insoutenable. Je ne suis pas bien placée pour en parler mais j’imagine que les aveugles comme les voyants ont un sens « préféré » ou davantage utilisé que les autres. Il leur sera alors plus aisé de comprendre l’importance que les voyants accordent à la vue. Arthur Molard (toujours lui !) semble affirmer la primauté du toucher sur les autres sens : « Chacun imagine l’univers perceptif de l’autre à partir de son univers perceptif propre : le voyant croit que l’aveugle voit avec les doigts, l’aveugle que le voyant palpe avec les yeux. »
2 photos de revêtements de murs en relief : un mur de galets disposés en ligne de façon oblique « en arête de poisson » (photo prise dans le village de Moras-en-Valloire construit en galets), un carreau de faïence «Like origami» de Ramacieri Soligo , avec un léger relief, comme une feuille de papier plié façon origami puis remis à plat.
Ce qui réunit voyants et malvoyants
- Premièrement, la combinaison des différents sens, critères d’importance inégale, permet néanmoins à tous d’exprimer un ressenti par rapport à une ambiance donnée : atmosphère chaleureuse, ambiance feutrée, convivialité…
- Deuxièmement, chaque personne, voyante ou aveugle, a ses propres goûts. Anne me l’a rappelé dans notre dernière conversation : chacun a sa propre idée du beau, qu’elle passe par les yeux, les oreilles ou les doigts. La cécité prive du regard mais pas des inclinaisons ni des préférences. Anne n’aime pas les cheminées en marbre parce qu’elles sont trop froides ; cela ne signifie pas pour autant que les cheminées en marbre déplaisent à tous les aveugles !
- Troisièmement, même les voyants ont parfois du mal à regarder vraiment ce qui les entoure. Ils ont besoin qu’on leur « ouvre les yeux », qu’on montre du doigt tel ou tel aspect, qu’on les aide à porter un regard neuf sur leur environnement domestique. On peut dire que de ce « point de vue », voyants et aveugles sont logés à la même enseigne !
- Enfin, chacun a un chemin à accomplir pour aller vers l’autre. Même si l’ouvrage Aveugles et voyants, au-delà des malentendus (éditions Salvator, 2010) du Père René Laurentin (devenu aveugle dans sa vieillesse) est emprunt de beaucoup d’amertume et de frustration, je lui reconnais la qualité d’ouvrir une réflexion fructueuse sur la réciprocité de l’échange. Afin de « se mettre à la place » de son interlocuteur aveugle, le voyant devrait fournir le même effort pour apprendre à nommer les sons que l’aveugle pour apprendre les couleurs. « L’aveugle-né n’a pas le choix : il doit s’efforcer de se représenter le monde le plus fidèlement possible, sous peine d’y vivre en étranger… » affirme Arthur Molard (toujours dans Le monde tel que l’imaginent ceux qui n’ont jamais vu) ; de même, le voyant devrait tenter de pénétrer le monde inconnu des aveugles, celui du sonore, de l’olfactif et du tactile. « L’enjeu, s’il est vital pour l’aveugle, peut sembler minime pour le voyant : que gagne-t-on à imaginer le monde avec un sens en moins ? On aurait tort de négliger l’intérêt d’une telle démarche intellectuelle, car s’interroger sur la perception du monde d’un aveugle de naissance, c’est remettre la nôtre en perspective, en appréhender le caractère relatif, mesurer à quel point nos représentations mentales dépendent de nos dispositions sensibles – enfin, c’est peut-être le moyen de prendre conscience des limites de notre point de vue et, le temps d’un effort d’imagination, de les dépasser… » (Arthur Molard, Le monde tel que l’imaginent ceux qui n’ont jamais vu).
Photo : 2 fauteuils d’extérieur en bois brut cintré (tiges de châtaignier), modèle Bohème de l’Atelier Chatersen, réalisé avec JulesMarri/Designer. Les 2 fauteuils accolés prennent la forme d’un confident, fauteuil double en forme de S, aussi appelé conversation, vis-à-vis ou tête-à-tête. (photo Atelier Chatersen).
« Un aveugle n’a pas besoin de miroir » (proverbe lituanien)
Revenons au sujet qui nous occupe, à savoir la décoration de la maison (dont je me suis quelque peu éloignée par des considérations d’ordre général). On appelle « accessoire de décoration » tout ce qui n’est pas revêtement de sols et murs ni mobilier : rideaux, lampes, coussins, etc. Le cas particulier du miroir fascine car, bien qu’accessoire, il est considéré par la plupart des personnes comme indispensable. Chaque intérieur dispose d’au moins un miroir. Le miroir est un objet purement visuel ; on l’utilise en décoration pour agrandir visuellement une pièce (reflet de l’espace) ou éclairer (reflet d’une source lumineuse), mais son usage premier est évidemment de refléter l’image de soi-même. Il sert donc aux voyants de repère, de moyen de connaissance et de reconnaissance de sa propre personne.
Ma quête de réponses au handicap de cécité m’a amenée à chercher si les aveugles ont aussi un « objet fétiche », peut-être associé au sens du toucher, qui serait l’équivalent du miroir pour les voyants. Une longue discussion avec Anne m’a permis de conclure par la négative. En revanche, Anne sait bien combien le miroir est important pour les voyants : en placer un chez elle ne lui serait d’aucune utilité mais serait pour elle un moyen d’accueillir ses hôtes voyants, de leur souhaiter la bienvenue. Dans l’article Miroir, mon beau miroir de son site « Un moment pour toi », elle écrit : « Il me semble que si j’avais le bonheur de recouvrer la vue, l’une des premières choses que je ferais serait de m’observer dans un miroir afin de découvrir ce que cela fait, mais aussi comment me voient les autres. » (http://www.unmomentpourtoi.com/miroir-mon-beau-miroir/, juillet 2015). On en revient à la réciprocité du regard posé sur l’autre…
Il y aurait encore beaucoup à explorer au sujet des miroirs, ne serait-ce que ce que Diderot en dit dans sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient (1749), mais ce sera peut-être l’objet d’un autre article !
Photo : Gros plan sur les mains de la statue de Cérès par Jean-Baptiste Poultier, à Versailles. Bel exemple de délicatesse : une main porte une gerbe d’épis de blés et l’autre une couronne d’épis et fleurs tressés ; la sculpture est d’une finesse et d’un réalisme époustouflants (photo prise au Parc de Versailles).
- Comment l’aveugle peut-il aider le décorateur à approfondir son travail ?
Le terme de « décorateur » utilisé dans ce paragraphe est générique. Il correspond en réalité à un métier un peu différent du mien (conseil en agencement et décoration). Vous trouverez les subtilités du vocabulaire dans l’ancien article de mon blog http://www.decoatouslesetages.fr/2015/03/16/la-journee-de-la-langue-francaise/.
Le décorateur et l’aveugle
Anne, auprès de toi j’ai compris la nécessité impérieuse d’une écoute attentive de mon interlocuteur, en particulier dans mon métier. Les bruissements, les chuchotements, les chuintements que je n’entends pas parce que je n’y prête pas attention, toi seule est capable de me les révéler et de me les décrire, de me dire s’ils te sont utiles ou pénibles. Moi, de mon côté, je peux t’éclairer (si je puis dire) sur les questions que tu te poses à propos de l’ambiance perçue par tes hôtes lorsque tu les invites chez toi. Je suis sûre que l’aveugle a besoin, pour se sentir bien chez lui, non seulement de savoir que son environnement est harmonieux aux yeux d’autrui mais aussi de le savoir pour lui-même : le nier serait faire bien peu de cas de ses perceptions intuitives et de l’intégrité de sa personne. Ainsi, seule une écoute attentive des perceptions décrites (ou suggérées) par un interlocuteur malvoyant peut permettre au décorateur d’agencer et d’aménager le logement de façon optimale. C’est particulièrement vrai pour les aveugles tardifs qui, bien que parlant la même langue que le conseiller (mêmes repères visuels antérieurs), auront plus de difficultés à se repérer dans l’espace et, plus généralement, à faire émerger des sens qu’ils n’ont pas appris à écouter dès l’enfance.
Photo : Amusant buffet en forme de vache grandeur nature, fait de planches brutes à la manière des caisses de transport, imaginé par le designer Marcantonio Raimondi Malerba (Collection « Sending animals »). Une vache originale mais pas forcément pratique ! (photo Cerise sur la déco)
Le décorateur et le voyant
Je disais en introduction combien cette approche m’a amenée à porter un regard différent sur mon travail de conseil en agencement et décoration, y compris pour les voyants (qui sont évidemment ma clientèle principale). Jamais je n’aurais imaginé, avant, faire un conseil déco sans mon nuancier ! Cet outil, certes indispensable au travail sur les couleurs, m’apparait désormais comme un instrument au service des sensations de mes clients, de leurs inclinaisons profondes, et non plus seulement comme une palette colorée sur laquelle on pointe le doigt pour désigner une nuance possible. Le mat ou le brillant d’une peinture ou d’un carrelage ne sont plus seulement des dissemblances visuelles mais aussi des matières au grain plus ou moins lisse sous les doigts, une invitation à la propreté ou à la douceur…
Les mots de la déco
Le travail de réflexion autour du sujet que je vous expose ici m’a aussi permis de prendre conscience de l’importance des mots. La plupart du temps, un conseil à domicile se conclut par un compte-rendu détaillé du rendez-vous, qui doit relater l’échange le plus clairement et précisément possible. Il est alors impératif pour moi de retranscrire par des mots appropriés, couchés sur le papier, les explications qui, souvent, lorsque nous sommes face à face, s’accompagnent de gestes et d’expressions visuelles. L’utilisation de mots adéquats et précis est encore plus impérieuse lorsque je prodigue un « conseil à distance » ou explique les détails d’un projet de rénovation. Cet effort d’explication par écrit s’apparente à celui de la verbalisation à l’attention d’un aveugle. Il rejoint l’application à « parler la même langue ». Il renouvelle aussi le vocabulaire utilisé dans le langage parlé, poussant à une plus grande rigueur et écartant les considérations trop vagues. Il permet ainsi à tous une meilleure compréhension. Ceux d’entre vous qui me connaissent depuis longtemps « pour de vrai » ou au travers de ce blog savent aussi combien j’attache d’importance à ne pas user de vocabulaire abscons et à utiliser le moins possible d’anglicismes (si répandus dans le monde de la mode et de la déco !)
Photo : Gros plan sur un coussin en feutrine texturée, c’est à dire travaillée en relief. La surface du tissu est structurée par des coutures parallèles mais les plis ainsi formés ne sont pas réguliers, ce qui donne l’impression de vaguelettes sur du sable (photo prise dans un magasin de décoration).
Quand l’aveugle se fait décorateur !
Je ne peux pas finir ce long article sans parler du cas particulier d’un publicitaire qui, devenu aveugle à 32 ans, a fait le pari de se reconvertir dans la décoration. Même si ce paragraphe bouleverse un peu mon plan, il aura au moins l’avantage de justifier pleinement le choix du sujet ! La démarche d’Éric Brun-Sanglard, architecte d’intérieur (français mais véritable vedette aux Etats-Unis), consiste à repenser les lieux qu’il décore de façon à s’y « sentir en sécurité émotionnelle ». Ne pouvant utiliser la vue, il fait appel aux autres sens qu’il a appris à développer. Cela plaît à la clientèle fortunée qui lui confie la décoration de villas cossues (snobisme ou excentricité ?). Dans son autobiographie, Au-delà de ma nuit (éditions Presses de la Renaissance, 2010), il explique qu’il peut ressentir l’énergie des couleurs. Anne, que j’ai interrogée sur cette faculté, m’a répondu « Je ne demande qu’à le croire mais c’est une expérience que je n’ai pas faite ». Pour elle, « la couleur, ça ne se palpe pas. ». Elle me raconte alors l’histoire de Louis Braille qui, aidant son père bourrelier à trier des lamelles de cuir, parvenait sans peine à les ranger par couleur. À son père qui lui demanda comment il réussissait cet exploit, il répondit qu’il ne triait pas par couleur mais par texture plus ou moins lisse… Chacun se fera une idée du mystère des couleurs mais l’expérience d’Éric Brun-Sanglard me parle au moins sur un point : « Je ne me contente plus des informations que me donnaient mes yeux, je vois en profondeur. »
J’arrive au terme de cette longue analyse qui j’espère ne vous aura pas lassés. Je ne prétends en aucun cas avoir abordé tous les aspects du sujet, aussi profond et insondable que l’âme humaine, mais souhaite avoir suscité des questionnements constructifs. Il va de soi que cette réflexion sur la cécité est aussi transposable pour les autres handicaps. Il l’est aussi plus largement pour chacun d’entre nous, puisque chacun est unique et a des besoins et aspirations bien spécifiques. En me confiant vos intérieurs, vous me laissez entrer dans votre intimité. Grâce à vous, chaque intervention pour rendre vos intérieurs plus fidèles à vos attentes est pour moi une aventure incomparable. Soyez-en remerciés ! Grand merci surtout à Anne, non seulement pour le temps qu’elle m’a accordé pour parfaire ces pages mais aussi et surtout pour avoir suscité cette réflexion.
Photo : Deux fauteuils de bois brut style scandinave encadrent un panier boule thaïlandais utilisé comme cache-pot pour un figuier. Cette ambiance très naturelle est aussi très équilibrée : le panier de paille évoque la fraîcheur, les fausses fourrures sur les fauteuils une atmosphère douillette (photo Nat & nature).
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PS : Je serais vraiment ravie que les personnes concernées par le sujet de la cécité (et plus largement du handicap en général) me fassent part de leurs observations. Le contenu de cet article ne demande qu’à être largement partagé, particulièrement aux associations concernées, via les réseaux sociaux. Devant l’ampleur des perspectives ouvertes par ces premières recherches sur le sujet, j’envisage la publication d’un ouvrage pour aller encore plus loin dans la démarche, en développant notamment l’aspect pratique. Je suis donc ouverte aux propositions d’éditeurs qui pourraient être intéressés par ce sujet. N’hésitez pas à me contacter : contact@decoatouslesetages.fr
Pour citer cet article : Laure Mestre, La déco pour les aveugles dans le blog À tous les étages, 2016, http://www.decoatouslesetages.fr/2016/05/09/la-deco-pour-les-aveugles/[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]
Bonjour Laure,
Merci de votre gentil passage chez moi. Je suis authentiquement bluffée par le sujet de votre mémoire. Waouhhh! ça n’est pas rien!
Je suis aussi extrêmement touchée par l’intelligence et la sensibilité de votre billet. Il y a là tant de sujets de réflexion, tant de choses auxquelles je n’ai jamais pensé, d’autres auxquelles je n’ai jamais pu apporter de réponses qu’il faudra que j’y revienne. Cet article touche à énormément de choses, spirituelles, existentielles, à des considération profondes qui vont bien au-delà de la déco, et c’est aussi ce qui m’intéresse. L »esthétique ne suffit pas si elle n’est pas habitée par une réflexion profonde sur ce que nous sommes, sur ce que nous cherchons.
Même si ça n’a qu’un rapport indirect, j’aimerais vous envoyer un article que j’ai lu récemment et qui a beaucoup changé ma « vision » des choses, je mets des guillemets puisqu’il ne concerne justement ce qui n’est pas visible. Si cela vous intéresse, voulez vous me donnez votre adresse mail? Vous pouvez me la laisser sur la boite mail de mon blog.
A bientôt, merci encore.
mp
Merci, merci Marie-Paule pour ce message qui me touche énormément.
Ce n’est pas toujours facile d’aller au fond des choses mais j’avais vraiment envie de dire au monde entier combien cette rencontre a changé mon travail. L’article est le fruit de longues recherches et de cogitations intensives ! C’est pourquoi je souhaite qu’il soit utile au plus grand nombre. J’ai encore des tas d’idées qui fourmillent dans la tête donc j’espère bien pouvoir écrire un vrai ouvrage sur ce sujet passionnant. Je serais ravie d’enrichir encore et toujours ma réflexion : merci beaucoup pour votre proposition ; je lirai cet article avec intérêt.
Merci beaucoup et bonne semaine !
Laure
Passionnant billet, résultat de beaucoup de réflexion et de travail. Je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt. Même pour un voyant, je trouve que c’est très intéressant de réfléchir à la déco du point de vue des autres sens. J’espère que ton projet de livre aboutira.
Bonne fin de journée
Jennifer
Merci Jennifer ! Je suis très reconnaissante aux lecteurs qui ont le courage d’aller jusqu’au bout de ma prose… J’ai découvert, au fil de mes recherches et de l’écriture, des ressources insoupçonnées. La remise en question est toujours enrichissante ! Laure
Bonjour Laure, article très intéressant auquel pour ma part je n’aurai jamais pensé et qui permet de se mettre à la place d’un aveugle et de comprendre la façon dont il perçoit les choses.. et aussi par extension la déco, à laquelle je me rend compte qu’ils sont fort sensibles! Merci Laure pour ces réflexions et merci de nous avoir cités!
Ravie de partager avec mes lecteurs les jolies choses et aussi les réflexions plus profondes !
Chère Laure,
Superbe article dont la sensibilité ouvre de vastes horizons. C’est un sujet qui m’intéresse aussi parce qu’il touche un univers que je découvre professionnellement, celui du médico-social et du handicap.
à partager!
Arnault
Merci Arnault, je suis très touchée de ton message. C’est aussi pour moi un grand pas dans l’inconnu qui sera aussi un pas pour aller vers l’autre. Partage tant que tu veux ! Laure
Merci Laure pour ce billet passionnant, j’espère que votre projet de livre pourra se concrétiser
Merci Filo, contente que ça vous ait plu !
Tout simplement passionnant. Article à lire et à relire. Voir avec les yeux, mais aussi ressentir, autrement. Ce que l’on appelle la décoration intérieure va beaucoup plus loin que simplement harmoniser un intérieur. Il y a de l’ existentiel dans tout ça. Un article comme le vôtre répond à des questions que je me posais confusément, et affine encore plus mon regard. Déjà impatiente de découvrir votre futur ouvrage.
Grand merci Marie pour ce commentaire comme j’espérais en susciter ! Cela me touche beaucoup. Il ne me reste plus qu’à approfondir encore mon travail et à trouver un éditeur passionné !
Superbe article, qui donne enfin la place aux autres sens que celui du visuel. Les illustrations sont particulièrement bien choisies. J’espère que ton projet de livre va se concrétiser et je serai une des premières à l’acheter et à le chroniquer sur optimisemonespace.com ! J’ai effectivement toujours eu tendance, dans mes interventions, à appuyer sur des sensations tactiles : chaud/froid, doux/rugueux / etc. Les sensations sous les pieds sont pour moi particulièrement importantes, j’ai choisi parquet et béton ciré après avoir longtemps souffert sur un carrelage froid. Les odeurs ont également une odeur primordiale. Sais-tu que l’odorat est le plus court chemin vers la mémoire ? Lorsqu’un accidenté (de la route, par exemple) a perdu la mémoire, on lui fait sentir des petits échantillons. Une odeur de taille-crayon peut ainsi plonger dans des souvenirs d’école. Une odeur de pomme, me ramène instantanément dans le grenier de ma grand-mère qui y entreposait des cageots remplis, et des dizaines de souvenirs d’enfance remontent aussitôt. C’est pour cela que certaines boutiques diffusent désormais des parfums pour attirer les clients. Pour vendre leur appartement, certaines personnes font également exprès de cuisiner un gâteau au chocolat ou simplement faire griller de la brioche, juste avant les visites, pour évoquer une sensation de bonheur dès le seuil franchi. Je n’utilise pas vraiment de parfums d’ambiance artificiels, mais j’accorde beaucoup d’importance à l’odeur que peut avoir ma maison et lorsque je reçois, un « mmmmhh… ça sent bon ! » est toujours plus facile à obtenir que un « waw, comme c’est joli chez toi ! » 😉 Enfin, en ce qui concerne l’ouïe : un jour ma soeur m’a fait remarquer que le bruit des couverts sur mes assiettes était particulièrement désagréable. Effectivement ces assiettes résonnaient énormément tout en faisant ressortir leur aspect rugueux. Je ne l’avais jusque là pas vraiment remarqué mais lorsque j’en ai pris conscience, je n’ai plus jamais pu les supporter, et me suis mise à utiliser au quotidien, ma belle porcelaine de Limoge dont le bruit était bien plus agréable.
Bonsoir Laure.
J’ai pu enfin avoir le temps de lire cet article, je dois te féliciter pour la singularité et l’intérêt de son sujet et pour sa grande qualité.
Je trouve ta démarche très intéressante parce qu’exploratoire de nouveaux champs en matière de déco qui ici, trouve un sens bien plus grand que de « rendre jolie sa maison ». L’intérieur de soi, l’intérieur chez soi sont nécessairement en concordance et l’espace entre les deux offre une belle matière à réflexion. J’aime cette intelligence là dans ton travail, donner plus de sens encore et le raccorder à des principes essentiels.
Vraiment bravo de cet engagement là, de cette approche.
Véronique
Merci Véronique, je suis très touchée par ce commentaire d’une grande sincérité. L’avantage de ce sujet est qu’il ne risque pas de se démoder ! Il y aura toujours matière à progresser vers l’autre en prêtant davantage attention à toutes nos sensations. Grand merci aussi pour le partage sur ta page Facebook et à bientôt pour creuser ce sujet ou un autre ! Laure
Bonjour Madame et merci pour l’article qui a l’air passionnant (pas encore lu). J’habite près d’Angers (49) combien coûteraient vos conseils à domicile pour les couleurs papiers/peintures et plus…? Merci cordialement
[…] avez sûrement lu un des articles phares de ce blog, « La déco pour les aveugles ». Vous savez que c’est celui auquel je tiens probablement le plus. Gaëlle, architecte d’intérieur à la tête d’Archis-Organisés, m’a interrogée pour un épisode de sa série de podcasts. Je vous propose d’écouter notre entretien particulièrement riche. Je tiens à la remercier sincèrement de m’avoir permis de verbaliser et de mettre en lumière mon travail sur un sujet méconnu. […]