Nous sortons tout juste d’une pénible période qui a plongé la ville de Lille au cœur d’une actualité fangeuse. Comble de l’ironie, le principal protagoniste de « l’affaire du Carlton » a occupé durant le procès une chambre dans un lieu de prière et de quiétude, devenu hôtel de prestige : le Couvent des Minimes.
L’ordre mendiant des Minimes (Ordo Minimorum), a été fondé au XVe siècle (1436) en Calabre par Saint François de Paule (1416-1507). Les frères minimes, « les tout petits », vivent un quotidien de dépouillement et de pénitence, suivant un régime alimentaire strict de jeûne et abstinence perpétuels. Même si leur parenté spirituelle est proche de celle des franciscains (fidèle à la pauvreté de Saint François d’Assise), leur règle est d’une extrême austérité. L’ordre s’est développé en Italie puis en France, où le patrimoine architectural de nombreuses villes en témoigne, et en Belgique. En France, l’expansion des Minimes atteint un rythme impressionnant sous le règne de Louis XIII ; on y compte 112 couvents des minimes en 1628.
Le couvent des Minimes de Lille a été construit entre 1622 et 1638. Il est typique de l’architecture flamande du début du XVIIe siècle. Notons que le Comté de Flandre est alors sous domination espagnole (il ne reviendra au Royaume de France qu’après la guerre de Dévolution en 1667, durant laquelle Lille est assiégée et conquise par les troupes de Louis XIV). « Le 30 mars 1742, il est la proie d’un incendie qui conduit à des reconstructions. Désaffecté lors de la Révolution française, il devient propriété de l’Armée en 1791 et a abrité pendant longtemps l’intendance des armées. Récupéré par la ville de Lille en 1981, il est racheté en 1988 par le Groupe SLIH (société lilloise d’investissement hôtelier) pour être reconverti en hôtel de luxe. L’hôtel a été inauguré le 6 octobre 1990. » (source Wikipédia). Le Couvent des Minimes est classé monument historique depuis 1977. Séparé de la majestueuse citadelle Vauban par la triste rivière de la Deûle, il borde l’un des 2 anciens ports de Lille (Quai de Wault dans le vieux Lille).
Le Couvent des Minimes abrite actuellement un hôtel haut de gamme, mais il n’est pas interdit d’y entrer pour admirer l’exceptionnel cloître. Celui-ci est occupé par un restaurant et une brasserie couverts d’une immense verrière. Personnellement, même si j’apprécie souvent l’alliance des « vieilles pierres » et de l’architecture contemporaine, je trouve qu’ici le mélange des genres n’est pas très réussi : la structure de la verrière est lourde, le mobilier moderne peu élégant ; l’ensemble manque de classe. En revanche, la voûte du cloître est une merveille ! Contrairement à la voûte en plein cintre de la crypte St Pierre-St Paul entièrement réalisée en brique, elle dessine des croisées d’ogives ou la craie des arêtes contraste avec la brique de remplissage.
Entrez et levez les yeux, c’est magnifique ! Je n’imaginais pas qu’on puisse dessiner autant d’ornements différents par la seule disposition de briques rouges et pierre calcaire blanche : damiers, cercles concentriques, chevrons, cabochons… une multitude de motifs géométriques s’exposent sur tout le pourtour du cloître. Chaque triangle ou presque a son propre motif. L’utilisation de joints clairs met en valeur la diversité des styles de pose et des décors. Une mine d’inspiration pour les étudiants en arts plastiques ou en architecture !
À propos de « l’impact de l’ordre dans le domaine des arts figuratifs, de l’architecture et de la musique », Noëlle Cherrier-Lévêque nous dit que « Les Minimes ont des aspirations les poussant à choisir l’austérité et la pauvreté, mais ils considèrent aussi les arts comme des moyens utiles pour accéder au divin par les sens. » ( commentaire de textes réunis et présentés par B. Pierre et A. Vauchez, Saint François de Paule et les Minimes en France de la fin du XVe au XVIIIe siècle). L’extraordinaire richesse décorative du cloître du couvent de Lille est un témoin de la volonté d’élever l’âme par le beau.
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Merci pour cette belle promenade!
J’ignorais ce qu’était exactement l’ordre des Minimes (je pensais aussi à la marque de produits « Couvent des Minimes » qui est je crois, une émanation de l’occitane) même si je connaissais de nom.
Très belle architecture de briques et pierre, comme quoi limiter les matériels permet de déployer des trésors d’inventivité et de sens artistique!
Merci Filo ! Promenade plus tranquille que la tienne à travers la garrigue… Comme j’ai eu plaisir à te lire ! Pour soigner tes égratignures, je te conseille le « baume du jardinier » du Couvent des Minimes (bingo !); souverain !
Je suis d’accord avec toi, la voûte est magnifique.
Sur la photo de la maison de Cabourg que tu nous montres sur ton blog, il y a aussi un bien joli damier de briques.
bonjour Laure! et bien moi aussi je ne trouve pas que cet agencement soit une réussite, et j’ai eu l’occasion de dormir dans une suite l’an dernier( avec mon mari hein! qui organisait un séminaire, petite précision pour Laure qui s’étonnerait que j’aille à l’hôtel à 15 km de chez moi 😉 ) Et bien cette suite , qu’est ce qu’elle était moche!
Merci Virginie d’apporter ta pierre à l’édifice (si je puis dire !). Ce que tu dis ne m’étonne guère… J’aime qu’on respecte l’esprit d’un lieu et manifestement ce n’était pas ici le soucis 1er ni de l’architecte chargé de la réhabilitation ni du décorateur…
Merci. Dire que je ne suis jamais entrée… Pourtant j’habite dans la métropole depuis longtemps…
Il n’est jamais trop tard !