VUE SUR SEINE, NOUVELLE PARISIENNE
« Apoint », le siège éco-design tout en carton et papier de Christophe Flahaut, TonkR
@ Vue sur Seine, mercredi
Mercredi. Jour de repos pour les enfants et pour les poubelles.
– Ah, Monsieur Liège, vous tombez bien, je m’demandais pourquoi les poussettes sont à nouveau dans le hall. Vous les aviez pourtant bien montées dans les étages, comme écrit sur votre bout d’papier ?
– A vrai dire, je les avais descendues dans le couloir des caves pour débarrasser le hall mais finalement ce n’était pas une très bonne idée : c’est très humide…
– Ben, c’est pour ça qu’personne met rien dans sa cave. C’est qu’votre oncle il va pas être content. Je m’demande bien d’ailleurs pourquoi il est pas encore descendu. Il est huit heures passées. C’est qu’il lui est arrivé quelque chose ?
– C’est à cause de l’inondation…
– Ben, la Seine a pas encore débordé sur le trottoir. C’est qu’il pleut toujours pourtant.
– Non… C’est à cause des journaux…
– Y a pas grève mais « l’approvisation » est plus difficile avec les ponts où les camions ont pas le droit d’rouler. C’est parce qu’hier son journal était pas là dès sept heures ?
– Non… Comment vous expliquer ? Mon oncle est un grand collectionneur : il collectionne les journaux. Le journal qu’il achète chaque matin, il le garde précieusement. Pas pour le relire ; seulement pour l’avoir chez lui. Alors évidemment son appartement ressemble un peu à une annexe de la bibliothèque nationale. Les journaux occupent deux chambres, presque complètement. Ils sont entassés en piles, classés par mois et par année, entre les armoires, sur les commodes, les tables de nuit, et jusque sur les lits. Ceux auxquels il tient le plus sont rangés dans des caisses en carton soigneusement étiquetées. Certains sont très anciens. Je crois qu’il se les est procurés chez les bouquinistes. J’aurais peut-être dû vous en informer mais j’ai préféré m’en abstenir pour ne pas mettre mon oncle dans l’embarras. Il m’a demandé de m’installer dans la chambre de bonne du septième étage, afin de ne pas perturber ses habitudes et surtout parce qu’il n’y a plus beaucoup de place dans l’appartement. Une conduite d’eau aura sans doute lâché car une fuite importante s’est produite dans la pièce du dessous, abîmant considérablement bon nombre de caisses de journaux. Mon oncle est venu me chercher là-haut, m’a fait entrer dans la chambre et n’a plus prononcé un mot. Il a seulement montré du doigt la caisse la plus endommagée. Sur l’étiquette à demi effacée par l’eau on peut encore lire « Crue de 1910 ».
@ à demain pour la suite… et la fin !
Vous nous tenez en haleine, ce sera long, j’adore votre nouvelle!
Je l’apprécie également!
Hé, hé, un bon cru ! (bon ma blague est mauvaise, mais ton Monsieur Beauchêne est si réel qu’il commence à me titiller la gouaille).
Bises, A demain.
Je « like » toujours bien moi aussi, c’est vivant, enjoué, sympa, bref j’attends chaque jour impatiemment! Bravo donc pour cette petite performance linguistique d’y caser ces qq expressions châtiées en langage soutenu, ça me plait également. ;))))))
Merci, merci à toutes ! Je dois dire que j’ai longuement hésité à publier cette nouvelle sur ce blog (était-ce bien sa place?) et suis heureuse qu’elle vous plaise ! Plus que quelques courtes lignes demain pour clore définitivement l’affaire des poussettes… ou pas. Laure