Le Musée Nissim de Camondo est né de la passion d’un riche collectionneur d’une famille juive de Constantinople, Moïse de Camondo, pour l’art du XVIIIème siècle. A partir de 1914, il transforme l’hôtel particulier de son père, en bordure du Parc Monceau, pour en faire un écrin à une extraordinaire collection de mobilier, de tableaux et d’objets du XVIIIème. Affligé par la mort de son fils Nissim, en combat aérien pendant la première guerre mondiale, Moïse lègue à sa mort en 1935 l’hôtel à l’Etat français et aux Arts décoratifs pour en faire un musée portant le nom de son fils. La visite subjugue: aucune mise en scène, juste une grande maison où chaque meuble a gardé sa place, où chaque fauteuil, chaque bureau, chaque console a une histoire. Le magnifique escalier à vis qui dessert les étages (en plus d’un ascenseur révolutionnaire) vaut qu’on l’admire. Retrouvez-le dans ma petite collection de photos d’escaliers dans « Encore quelques marches« .
Ce qui surprend le plus lors de la visite du musée est la cohabitation entre des pièces d’apparat somptueusement meublées de Louis XV ou Louis XVI avec des pièces de service d’une incroyable modernité.
La cuisine est vraiment fascinante. Située au rez-de-chaussée de l’hôtel particulier, baignée de lumière par 4 grandes fenêtres (dont 2 fenêtres hautes côté jardin où un mouvement de terrain du jardin permet d’éclairer la cuisine tout en la cachant à la vue des habitants), elle est entièrement carrelée en blanc pour accentuer l’effet de luminosité et faciliter le nettoyage. Bref, une cuisine qui n’a rien des antres sombres en sous-sol des habituelles maisons bourgeoises de l’époque. La décoration est sobre: carrelage de dallages blancs à cabochons noirs, faïence blanche juste rehaussée de lignes horizontales noires qui soulignent l’architecture; une pièce qui pourrait ressembler à un laboratoire si elle n’était réchauffée par l’époustouflante collection de casseroles en cuivre exposée sur des étagères face aux fenêtres pour en accentuer l’éclat.
Mais ce qui marque le plus dans ce décor, ce sont les 2 imposants monstres de fonte: le fourneau et la rôtisserie. Leurs dimensions impressionnantes témoignent du train de vie de la maison, car Moïse de Camondo aimait recevoir. Le fourneau central, posé au milieu de la pièce, exactement comme l’îlot central de nos cuisines les plus modernes, était alimenté au charbon et les fumées évacuées par un conduit encastré dans le sol. En plus des foyers pour toute la batterie de cuisine en cuivre, il comporte 4 fours et 2 étuves: un vrai luxe ! La rôtisserie quant à elle est adossée au mur. De part et d’autre du tourne-broche central, un four à gril et un autre à « salamandre » étaient chauffés au gaz (ils seront électrifiés en 1931). Le fourneau central et la rôtisserie datent de 1912 et sont l’œuvre de la « Maison Cubain ». Et pour que les odeurs et les bruits de la préparation des repas ne risquent pas de troubler les convives attablés dans la salle à manger située juste au-dessus, la cuisine est parfaitement isolée dans un caisson étanche en béton… pas vraiment la philosophie de la cuisine à l’américaine !
Le modernisme et l’extrême fonctionnalité des pièces de service de la maison ne se limite pas à la cuisine. Toujours au rez-de-chaussée, accolés à la grande cuisine, on peut voir l’office du chef où se trouve le monte-plats qui communique avec l’office du 1er étage, la « salle des gens » (salle à manger du personnel de maison qui bénéficie de l’exceptionnel « privilège » pour l’époque de ne pas prendre ses repas directement « en cuisine ») et la fascinante laverie, petite pièce réservée au lavage des ustensiles de cuisine et casseroles de cuivre. Dans cette dernière pièce, la plonge comporte 2 cuves, elles-mêmes en cuivre, dont l’une est constituée d’une double enveloppe où circule de la vapeur d’eau; l’eau de la cuve est ainsi constamment maintenue chaude pour y faire tremper les casseroles sans avoir à les récurer. Rien à envier au lave-vaisselle si ce n’est l’huile de coude !
Un petit plus pour les curieux: Pourquoi une plonge en cuivre pour les ustensiles de cuisine ? Le cuivre présente 3 caractéristiques particulièrement intéressantes pour cette utilisation: c’est un métal non sensible à l’eau (pas de corrosion à l’air et à l’eau comme pour les métaux ferreux), c’est un métal qui a des qualités bactéricides (il détruit les bactéries et micro-organismes) et enfin c’est le métal le plus conducteur de tous, tant pour l’électricité (mais ceci n’a pas d’utilité dans le cas présent !) que pour la chaleur, ce qui permet de garder l’eau de lavage bien chaude.
Le perfectionnisme est poussé à son paroxysme au 1er étage, dans l’office contigu à la salle à manger de réception. On y réceptionne les plats venant de l’office de cuisine par le monte-plats mais on y nettoie aussi directement la vaisselle fragile, rangée à cet étage, pour limiter les risques de casse. Fin du fin du raffinement, l’évier en étain est surmonté d’un adoucisseur d’eau permettant de garder aux verres de cristal une transparence irréprochable ! On comprend le soin apporté à l’entretien de la vaisselle en admirant le cabinet des porcelaines et son exceptionnelle collection de la manufacture de Sèvres, dont le fantastique service Buffon (chaque pièce est à décor unique représentant une espèce d’oiseau).
Encore un petit plus pour les curieux: Pourquoi un évier en étain pour la vaisselle fragile ? L’étain a pour principale caractéristique d’être particulièrement ductile donc souple; dans l’évier en étain les chocs sont donc amortis et la vaisselle protégée des ébréchures.
Si vous aimez les fourneaux à l’ancienne, une visite à l’hôtel Nissim de Camondo s’impose ! Si vous avez la chance d’avoir une cuisine suffisamment grande pour accueillir un grand fourneau (plein de charme mais aussi très fonctionnel avec son four à grand volume, ses brûleurs à gaz de forte puissante, sa plaque à mijoter…), plusieurs fabricants en proposent, à des tarifs tout de même élevés: Aga, Falcon, La Cornue, Lacanche… Retrouvez tous les atouts des pianos de cuisson, fourneaux de nos grands-mères remis au goût du jour sur le site Inspiration cuisine.
NB: A suivre, un article sur les salles de bain ultra-modernes de l’hôtel Camondo. C’est la première fois que je vois un musée où on peut entrer dans l’intimité familiale… mais je vous réserve cette découverte pour un autre jour !
Musée Nissim de Camondo: 63, rue de Monceau 75008 Paris Tél. : 01 53 89 06 50 ou 06 40 (boîte vocale) Métro : Villiers, Monceau Plus d’infos sur le site des Arts décoratifs.
comme tes articles nous apprennent sur les objets j’adore bises françoise
J’aurais voulu laisser un commentaire sur le blog « L’envers de ma déco » (blog de Marie-Claire Maison) mais c’est mission impossible… (merci de faire passer le message au webmaster du blog) alors je rajoute ici un petit commentaire pour que vous alliez voir les bien beaux éviers et robinets présentés dans l’article qui complète bien ce petit exposé sur la cuisine début de siècle (XXème!) du Musée Camondo. http://lenversdemadeco.blogs.marieclairemaison.com/archive/2011/03/28/tres-her-beau.html
A bientôt sur A TOUS LES ÉTAGES Le Blog ou Le Site
Laure
merci Laure pour ton reporatge de ces lieu merveiileux! J’adoreles anciennes cuisines….
a bientot
simonetta